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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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existence. Sans lui, elle n'aurait ni construit son unité, ni même gagné son indépendance.
    ***
    Si l'affaire italienne prête à controverses, l'expédition au Mexique n'en suscite à peu près aucune : elle est considérée quasi unanimement comme une lourde faute de Louis Napoléon, probablement comme la pire, car la moins compréhensible.
    Un repli sans gloire, un souverain présumé fantoche indûment installé puis abandonné à un sort tragique, des pertes inutiles : bref, un bilan accablant, au vu duquel on s'est autorisé non seulement à déclarer l'entreprise folle mais encore à prétendre qu'elle procédait de la plus malencontreuse des mégalomanies. Pis encore : en parlant à son propos de « la grande idée du règne », Rouher eut un mot malheureux qui ouvrait largement les chemins de la dérision.
    L'affaire appelle un jugement autrement nuancé. Le projet n'était pas si fou. Il procédait même d'une analyse fort intelligente et dénotait une capacité, qui inspire le respect, à profiter au mieux de circonstances favorables. Au demeurant, n'oublions pas que la France ne fut pas seule à intervenir au Mexique. Elle y alla avec l'Angleterre et l'Espagne, sans parler des contingents symboliques de la Belgique... et de l'Égypte. Le tort de Louis Napoléon fut d'accepter d'être seul, finalement, à prendre le risque de tirer les marrons du feu.
    Le prétexte de l'intervention des trois nations est connu : la suspension du remboursement des rentes de l'État mexicain, qui lésait de très nombreux prêteurs européens. En fait, il y avait bien longtemps que les créanciers n'étaient plus payés. Mais, à l'occasion du retour au pouvoir, en 1861, de Benito Juarez, le non-remboursement était devenu la doctrine officielle.
    Ce grief n'était pas le seul. Le sort des étrangers vivant au Mexique — outre les Américains, on y comptait de nombreuxEspagnols, Anglais et Français occupant une place importante dans le négoce — se dégradait de jour en jour: pillages, extorsions de fonds, viols devenaient le lot quotidien et les poussaient à réclamer l'intervention de leurs gouvernements. Depuis quelque temps déjà, l'idée d'une telle intervention cheminait. Outre la pression de leurs nationaux, les pays concernés subissaient aussi celle de certains Mexicains.
    Toujours est-il qu'en 1860 lord John Russell proposa à la France, au nom de l'Angleterre, que les deux pays interviennent de concert en vue de promouvoir un gouvernement stable, plus respectueux du droit des gens... et qui paierait ses dettes. Au début, les Anglais pensaient pouvoir compter aussi sur les Américains, mais la guerre civile qui éclate alors aux États-Unis fait vite renoncer à leur concours.
    Il y aura quand même un troisième partenaire: l'Espagne, sollicitée à la demande expresse de Louis Napoléon qui, lors de la signature de l'accord tripartite d'octobre 1861, peut s'estimer satisfait: il refait cause commune avec l'Angleterre — ce qui, après une période de relâchement de leurs relations, peut paraître porteur d'avenir; il a ménagé un rôle à l'Espagne, initiative dont il est en droit d'espérer d'utiles retombées concernant le renforcement de la présence économique française dans la péninsule ibérique.
    Il est clair que Louis Napoléon n'engage pas la France dans une telle expédition pour ces seules raisons ou pour la satisfaction de quelques prêteurs récupérant leurs créances. L'empereur pense en termes de géopolitique. Il n'a pas oublié son étude sur l'hypothèse d'un canal coupant l'isthme de Panama, avec la constitution d'un gigantesque entrepôt.
    Il s'ouvre de ses projets dans une lettre à Palmerston, où il lui explique comment il envisage de participer à l'exploitation des immenses ressources du Mexique. Pour comprendre ce qu'était sa vision des choses, le mieux est encore de lui céder la plume. Un texte, écrit un peu plus tard, nous livre le fond de sa pensée:
    « Dans l'état actuel de la civilisation du monde, la prospérité de l'Amérique n'est pas indifférente à celle de l'Europe, car c'est elle qui alimente notre industrie et fait vivre notre commerce. Nous avons intérêt à ce que la République des États-Unis soit puissante et prospère, mais nous n'en avons aucun à ce qu'elle s'empare de tout le golfe du Mexique, domine de là les Antilles etl'Amérique du Sud et soit la seule dispensatrice des produits du Nouveau Monde. Maîtresse du Mexique, et, par

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