Louis Napoléon le Grand
Malgré ses cinquante-quatre ans, il épouse une jeunesse locale de dix-huit ans, s'installe avec elle dans un palais, se plonge dans le luxe et s'adonne à l'intrigue. C'est de ces hommes que Louis Napoléon va tenir ses informations. Ces hommes qui vont jouer un jeu aussi personnel qu'insensé.
Un exemple parmi d'autres: Louis Napoléon, fidèle à une ligne de conduite dont il ne se départira jamais, veut que l'installation de Maximilien soit subordonnée à un plébiscite : le suffrage universel, encore et toujours. Nul ne prend la peine de lui expliquer qu'au Mexique, cette exigence est absurde. Non seulement il n'y a pas de listes électorales, mais il n'y a même pas d'état civil! Qu'à cela ne tienne: Bazaine procède à une consultation auprès des maires, des magistrats, des notables et expédie le tout à Paris, qui s'en contentera et croira à l'adhésion populaire ! Voilà pour le plébiscite...
En juin 1864 — après que, pendant les mois précédents, on eut signé une convention financière et lancé un emprunt en faveur du nouvel État —, Maximilien, qui n'est certes pas un mauvais bougre, veut s'affranchir de la tutelle du clergé et des conservateurs. Il s'oppose à la restitution des biens de l'Église, et entreprend une réforme de l'armée, nécessaire mais fort mal ressentie. Du coup, il se met à dos ses seuls soutiens. Pour comble d'infortune, la fin de la guerre civile américaine favorise le passage de la frontière par des bandes d'anciens soldats qui vont renforcer la guérilla.
En 1866, Louis Napoléon se décide à arrêter les frais. Tout en feignant de considérer comme atteints ses objectifs économiques et commerciaux, il envisage pour la première fois, très clairement, un désengagement:
« Ainsi que j'en exprimais l'espoir l'année dernière, notre Expédition touche à son terme. Je m'entends avec l'Empereur Maximilien pour fixer l'époque du rappel de nos troupes afin que leur retour s'effectue sans compromettre les intérêts français que nous sommes allés défendre dans ce pays lointain [...].
« L'émotion produite aux États-Unis par la présence de notre Armée sur le sol américain s'apaisera devant la franchise de nos déclarations.
« Le peuple américain comprendra que notre Expédition à laquelle nous l'avions convié, n'était pas opposée à ses intérêts. »
Reste à savoir ce qu'on va faire de Maximilien. Lui-même songe un instant à abdiquer. Il y renonce, sur les injonctions de sa femme qui entreprend la tournée des capitales européennes pour chercher du secours. A Paris, le 13 juillet 1866, elle rencontre Louis Napoléon, inflexible, qui se prononce pour l'abdication. La pauvre femme en deviendra folle. Pour son malheur, elle survivra jusqu'en janvier 1927. Elle ne reverra jamais plus son mari.
Le coup de tonnerre de Sadowa confirme et hâte la décision de Louis Napoléon d'évacuer le Mexique: c'est chose faite au printemps 1867. La décision était sage : « Le jour, explique Louis Napoléon, où l'étendue de nos sacrifices m'a paru dépasser les intérêts qui m'avaient appelé de l'autre côté de l'océan, j'ai spontanément décidé le rappel de notre Corps d'Armée. »
Maximilien, par obstination, crânement, ou en désespoir de cause, a choisi, lui, de rester et de se battre jusqu'au bout. Replié sur Queretaro avec les rares troupes fidèles qui lui restent, il seraacculé à la reddition. On lui fera un procès. Il sera condamné à mort et fusillé. Louis Napoléon apprendra la nouvelle le jour même de la distribution des prix de l'Exposition universelle. Lui, d'habitude si maître de ses émotions, ne pourra dissimuler son trouble.
Douleur à la perte d'un homme qui l'avait accompagné dans cette grande aventure.
Rage impuissante devant un échec d'autant plus cuisant qu'il existait tant de chances de réussite.
Vertige devant les faiblesses de son armée, déployées au grand jour.
Appréhension du parti que vont tirer de ce revers tous les adversaires de l'Empire...
***
Le Mexique ne fut pas le seul objectif lointain de Louis Napoléon. Il y en eut d'autres, dont la poursuite produisit d'heureux résultats. Ainsi n'est-ce que justice de rappeler que Louis Napoléon a jeté les bases de ce qui sera l'Empire colonial français et qu'il a fait mieux qu'ouvrir la voie à l'oeuvre de la III e République. Sa démarche, d'ailleurs, est placée sous le seul signe de la volonté et de l'audace, et l'aventure outre-mer qu'il
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