Louis Napoléon le Grand
de la renonciation du Prince héritier de Hohenzollern eurent été communiquées au Gouvernement Impérial Français par le Gouvernement Royal Espagnol, l'Ambassadeur Français à Ems a exigé encore de Sa Majesté l'autorisation de télégraphier à Paris que Sa Majesté le Roi pour tout l'avenir s'engageait à ne plus jamais donner son autorisation si les Hohenzollern devaient poser de nouveau leur candidature. Là-dessus, Sa Majesté le Roi a refusé de recevoir encore une fois l'Ambassadeur et lui a fait dire par l'adjudant de service que Sa Majesté n'avait rien de plus à communiquer à l'Ambassadeur. »
Transformée en provocation par la volonté de Bismarck, la dépêche d'Ems, largement diffusée par ses soins, eut l'effet escompté sur l'opinion française. A Paris, dans la journée du 13, la foule est dans la rue, s'excite contre la Prusse et réclame la guerre.
Le gouvernement est chahuté. Gramont déclare à Louis Napoléon et à ses collègues « que le Ministère ne pourrait pas se maintenir s'il se présentait à la Chambre, le lendemain, sans avoir reçu une concession précise de la Prusse ».
Tout se passe comme Bismarck l'a espéré et voulu. Sa dépêche a fait l'effet d'un camouflet. Le 14, l'Empereur parle encore en Conseil d'un congrès général, qui aurait à évoquer la question des garanties. Ollivier s'accroche à cette idée; un texte est rédigé. Louis Napoléon, le soir, voit s'attrouper les Parisiens et les entend crier : « A Berlin! »
Le 15, au cours d'un nouveau Conseil, Ollivier reconnaît à son tour: « Si nous portions notre déclaration à la Chambre, on jetterait de la boue sur nos voitures et on nous huerait. » A peu près au même moment, les Parisiens lancent des pierres dans les vitres anciennes de l'ambassade de Prusse.
Le sort en est jeté ; dans la nuit du 15 au 16, Ollivier fait voter, par 245 voix contre 10, les premiers crédits pour la mobilisation de la garde mobile et pour la guerre. « Nous avons fait, déclare-t-il, tout ce qu'il était honorablement et humainement possible de faire pour éviter la guerre... Notre cause est juste... Elle est confiée à l'armée française. »
Pourtant, la situation diplomatique n'est pas favorable, loin de là. Bismarck a joué assez habilement pour que la France fassefigure... d'agresseur. L'Allemagne du Sud, en dépit de nos espoirs, choisit le camp de la Prusse et la Bavière s'apprête à mobiliser. Il n'y a rien à attendre, du moins dans l'immédiat, de l'Autriche où joue contre la France l'influence hongroise dans la double monarchie, conséquence indirecte de la défaite de Sadowa dont l'« établissement » autrichien est tenu pour responsable. Rien à attendre non plus de l'Italie, avec laquelle Rome reste une pomme de discorde — l'évacuation, le 19 août, de la Ville éternelle intervenant beaucoup trop tard.
Ollivier, exténué, a pourtant la tragique imprudence de laisser entendre que cette guerre, il l'accepte « d'un coeur léger ». Ce n'est pas ce qu'il a vraiment dit. C'est ce qu'on a retenu.
Louis Napoléon, lui, n'a pas le coeur léger. Bientôt, sur le chemin de la Lorraine, et de la guerre — dont la déclaration est notifiée le 18 à Berlin —, il sera salué de gare en gare, par des foules qui crient : « Vive l'Empereur ! Vive le Prince Impérial ! Vive la France ! »
Sans doute éprouve-t-il des sentiments analogues à ceux que, soixante-huit ans plus tard, au retour de la désastreuse conférence de Munich et face à la même allégresse, traduira Édouard Daladier dans une formule aussi lapidaire que triviale. L'empereur montra plus de tenue : « L'enthousiasme, écrit-il à Gramont, est une belle chose, mais parfois bien ridicule. »
***
Cette guerre est probablement perdue avant même d'avoir commencé. De Gaulle expliquera pourquoi, allant comme d'habitude, en traits fulgurants, droit à l'essentiel: « La mobilisation, ordonnée le 14 juillet, a porté le 5 août à la frontière 250 000 hommes; 60 000 sont dans les dépôts ou en Algérie, ou à Rome. Et nous n'avons rien d'autre qui puisse, de plusieurs mois, offrir quelque solidité. Encore ces forces sont-elles organisées, armées, transportées au milieu du pire désordre, car les grandes unités n'existent pas en temps de paix, il faut les constituer de toutes pièces à la frontière, leur désigner des états-majors, faire sortir des arsenaux leurs canons, leurs caissons, leurs parcs, les doter à l'improviste de
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