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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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concrétisation d'un vieux marché entre époux : le pouvoir contre la fidélité conjugale. Eugénie a voulu la régence, et pas seulement pour exercer un pâle intérim, prête qu'elle était à aller très au-delà des pouvoirs qui lui étaient reconnus et à violer la légalité. Son but est d'imprimer au régime certaines évolutions qui lui paraissent nécessaires, en tenant compte, justement, de l'état où se trouve son mari...
    L'a sûrement beaucoup frappée une confession de celui-ci qu'elle ne relatera que beaucoup plus tard, alors que, presque centenaire, silhouette noire, menue et digne, appuyée sur une canne à pommeau d'argent, elle égrenait de tristes souvenirs : « Il ne se croyait plus capable de supporter le fardeau si lourd du pouvoir suprême... Il avait pris et n'avait confié qu'à moi seule la résolution d'abdiquer, vers l'année 1874, lorsque le Prince Impérial serait en âge de monter sur le trône... »
    Quelles étaient donc les évolutions qu'Eugénie jugeait nécesssaires ?
    D'abord, et quoi qu'il arrive, donner un coup de barre à droite et contenir autant que faire se pouvait une libéralisation que — comme tant d'autres — elle attribuait à l'affaiblissement physique et moral de Louis Napoléon.
    Ensuite, et surtout, s'adapter à une situation mouvante. L'empereur pouvait disparaître à tout moment, le risque étant d'autant plus grand qu'il affrontait l'ennemi en première ligne. Ilfallait que la régence puisse alors tenir le pouvoir d'une main ferme, et de toute façon assurer en cas de défaite la continuité de l'État. Et si, d'aventure, l'empereur parvenait à tirer son épingle du jeu, qui peut dire qu'Eugénie ne l'eût pas persuadé d'abdiquer pour raison de santé, prête à continuer de jouer un rôle de premier plan en préparant l'accession au trône de son fils?
    Pour complexe qu'il soit, ce comportement n'a rien de condamnable et n'est pas comme on l'a dit, l'indice d'une volonté de puissance. Il y a tout lieu de croire qu'Eugénie n'avait pas d'autre objectif que d'assurer, dans l'intérêt supposé de la France, la pérennité de la dynastie.
    Ainsi peut-on le mieux expliquer sa conduite au cours de cette période et le soin qu'elle apporte à magnifier le comportement militaire du prince impérial.
    Le rôle qu'elle a ainsi imposé à Louis Napoléon, celui-ci va le payer de tortures sans nombre.
    Arrivé à Metz le soir du 28, complètement épuisé, il constate aussitôt que tout va très mal: la mobilisation laisse beaucoup à désirer et les approvisionnements font défaut. Quelques jours plus tard, sa première impression confirmée, il écrira : « Tout n'est que désordre, incohérence, retards, dispute et confusion: l'armée est privée de tout, les magasins sont vides, et le chaos est devenu un spectacle coutumier. »
    Sur le terrain, les constatations d'un jeune officier rejoignent, en les illustrant, celles de l'empereur. Il s'agit du commandant Vidal qui, le 17 août, trois jours après son arrivée au camp de Châlons, placé à la tête de quatre compagnies au lieu des six annoncées, prévient son père: « Nous sommes foutus! » « Ces paroles m'étaient dictées, écrit-il, par la froide appréciation de tout ce que je voyais : absence de commandement ; allées et venues incessantes.de troupes débandées, d'hommes isolés, de fricoteurs; ordres donnés à tort et à travers; distributions irrégulières, incomplètes ou nulles; composition plus qu'hétérogène des troupes réunies au camp de Châlons et qui en faisait un troupeau plutôt qu'une troupe et surtout une inquiétude générale qui donnait aux physionomies un air morne, abattu [...]. Lorsque le général Lacretelle prit le commandement de la division, le 27 août, il réunit les Chefs de Corps, s'informa de la position des régiments, de leurs besoins, donna ses instructions, en un mot, fit ce qui n'avait jamais été fait par personne, et cette sollicitude jeta unrayon d'espoir au milieu de l'accablement général au double point de vue physique et moral. »
    Du côté des choix stratégiques, cela ne va guère mieux. Au Conseil de guerre que Louis Napoléon a immédiatement réuni, Mac-Mahon déclare vouloir attaquer. Bazaine préconise la défensive et Leboeuf ne sait que recommander. Finalement, il est décidé de donner la priorité à la Lorraine et de laisser l'initiative à l'ennemi, alors qu'on aurait pu utilement s'avancer sur le Rhin et la Moselle. On s'en tiendra

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