Louis Napoléon le Grand
Cortès.
Dans le contexte d'alors, où l'excitation et l'exaspération générales n'épargnent ni les parlementaires ni la presse, Louis Napoléon s'efforce de garder la tête froide et cherche les voies de la conciliation. Non qu'il soit moins indigné que les autres; mais il sait les risques que court le pays et il a parfaitement lu dans le jeu de Bismarck. Recevant l'ambassadeur d'Espagne, il s'en ouvre à lui très clairement: « Comment pouvez-vous imaginer que Monsieur le Comte de Bismarck qui a organisé tout cela de longue main pour nous provoquer, laisserait passer l'occasion? »
Gramont, le ministre des Affaires étrangères, n'a probablement pas l'accord de l'empereur lorsqu'il fait devant le Corps législatif cette déclaration martiale: « [...] Nous comptons à la fois sur la sagesse du peuple allemand et l'amitié du peuple espagnol. S'il en était autrement, forts de votre appui et de celui de la Nation, nous saurions remplir notre devoir sans hésitation et sans faiblesse. »
En tout cas, ce qui est dit a bien passé. Même Gambetta a applaudi. La France paraît résolue, et l'on va en tenir compte.
Guillaume I er n'a pas les mêmes raisons que Bismarck de vouloir à tout prix un conflit avec la France. Il demande donc discrètement au père de Leopold, son cousin, de retirer la candidature de son fils au trône d'Espagne. Ce que fait ledit cousin.
Guizot de s'exclamer alors: c'est « la plus belle victoire diplomatique que j'aie vue de ma vie ». De fait tout l'échafaudage du chancelier s'écroule. Bismarck a d'ailleurs prétendu qu'il aurait eu alors la tentation de démissionner. Pour le malheur général, il ne le fit pas. Mais tout paraissait devenir plus serein.
Pourtant l'opinion française et une partie de la Chambre ne considèrent pas comme suffisante l'annonce du retrait. Ce n'est pas Leopold mais son père qui s'est exprimé. Le gouvernement prussien, qu'on soupçonne d'être l'instigateur de toute l'affaire, n'a pris aucun engagement officiel. Il faut l'obliger à se prononcer.
Le 12 juillet, en l'absence d'Ollivier, et sans que Louis Napoléon s'y soit opposé, un Conseil restreint, tenu à Saint-Cloud, décide d'adresser au roi de Prusse un télégramme lui demandant des garanties pour l'avenir. Gramont avait expliqué tout uniment qu'une telle demande ne manquerait pas de « fortifier » le gouvernement devant l'opinion et devant les Chambres.
Cette initiative a souvent été considérée comme une grave faute. Il ne faut pas oublier d'abord, comme l'a noté l'ambassadeur britannique, lord Lyons, que « dans cette affaire, le Gouvernement Français n'était pas à la tête de l'opinion, mais la suivait ». Ensuite et surtout, que la guerre ne résulta pas de la réponse même de Guillaume I er mais de la présentation tronquée qu'en fit Bismarck.
Il est clair que si cette occasion n'avait pas déclenché le conflit, le chancelier en aurait créé une autre, puis une autre encore, aussi longtemps qu'il ne serait pas parvenu à ses fins.
De son côté, Emile Ollivier, qui n'assistait pas au Conseil restreint de Saint-Cloud, est consterné. Lui aussi pense à démissionner; son désarroi est sincère, mais il pèse le pour et le contre et ne veut pas desservir la France. Comme nous l'explique Bergson: « Désavouer l'acte de l'Empereur, c'était, au cas où la guerre éclaterait, avoir déclaré, avoir déclaré solennellement, devant l'Europe et devant l'Histoire que l'Empire était agresseur et que la France était dans son tort. C'était aussi laisser la place libre à un Ministère de Droite, qui attendait dans la coulisse, et qui eût été un Ministère de guerre. En restant, on pouvait essayer de réparer le mal. Par le fait, Ollivier le répara dans la mesure du possible, puisqu'il obtenait du Conseil des Ministres, quelques heures après, la décision ferme de ne pas maintenir la demande d'un engagement pour l'avenir si l'on se heurtait à un refus du Roi de Prusse. »
Rien d'irrémédiable n'était encore accompli. Guillaume I er est visiblement agacé par la demande qui lui est transmise. Pour autant sa réponse est rien moins que belliqueuse. Dans le résumé de sa journée qu'il transmet à Berlin le 13, il fait savoir qu'il a appris le désistement et qu'il l'a approuvé.
Quand il lit ce texte, Bismarck est atterré. Alors, cyniquement, il en rédige une nouvelle version, tronquée, qui va sonner le glas des espoirs d'apaisement.
« Après que les nouvelles
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