Louis Napoléon le Grand
moi, une monarchie en France n'est viable que si elle est démocratique [...]. C'est pourquoi on n'en aura jamais fini avec eux tant qu'une autre dynastie populaire n'aura pas trouvé le moyen de s'acclimater en France. »
La discrétion que, pour éviter de gêner le gouvernement britannique, s'imposait Louis Napoléon dans le commentaire des événements de sa patrie, empêche de connaître avec précision sa façon de voir. Tout au plus, trouve-t-on la trace d'un persiflage à l'encontre de Thiers : « Je souris en voyant M. Thiers finir à force de gouvernement personnel à mettre sous pieds les libertés personnelles dont il avait fait son cheval de bataille. »
S'agissant de la Commune, le sentiment de Louis Napoléon n'est sans doute guère différent de celui qu'exprimait Émile Ollivier en renvoyant les deux camps dos à dos.
Deux de ses lettres traduisent bien cette position. La première a été adressée à Ernest Adelon, le 29 mars 1871:
« Ces insurgés finissent par m'émouvoir malgré leur sotte et cruelle scélératesse, par la décision qu'ils mettent dans leur action tandis que le Gouvernement me fait pitié et plus encore cette Assemblée. Évidemment, aucun d'eux n'est dans la vérité et elle seule donne de la force.
« L'Assemblée et Thiers ont été nommés pour détruire la République et débarrasser le pays des hommes du 4 septembre. Au lieu de remplir ce mandat, fanatisés par leur haine commune contre l'Empire, ces deux éléments se sont réunis et n'ont songé qu'à frapper l'ennemi vaincu. »
Un mois plus tard, une lettre à un autre de ses correspondants, Bourelly, explicitait encore son propos:
« La victoire de Versailles est certaine, mais elle peut être plus ou moins prochaine ou plus ou moins sanglante.
« [...] Ce que je trouve beaucoup plus immoral que la révoltedu 18 mars, c'est qu'elle soit combattue par les hommes du 4 septembre. En quoi le 18 mars est-il moins légitime? Et de quel droit l'Assemblée s'insurgerait-elle contre la Commune ? Les élections de la Commune n'ont été ni moins libres ni moins légales [...]. On n'est pas plus dans la légalité et le droit à Versailles qu'à Paris [...]. Il n'y aurait qu'un moyen de remettre tout sur pied, c'est de se remettre dans le Droit en consultant la Nation, par un appel au peuple sur le Gouvernement qu'elle entend adopter. »
Il n'en demeure pas moins que, progressivement, la France confortait ses nouvelles institutions. Après l'échec des velléités de restauration monarchique, Thiers ne récusait pas, implicitement, l'alternative à laquelle voulait le contraindre Ollivier — la République ou l'Empire — mais il avait fait son choix et c'était la République. De surcroît, pour divisés qu'ils fussent, de nombreux Français semblaient du moins se retrouver pour faire de Louis Napoléon un bouc émissaire commode. Les ennemis du jour oubliaient parfois leur querelle pour exprimer ensemble l'opprobre dont ils s'accordaient à couvrir l'ex-souverain. Les textes qui circulent ici et là donnent une idée de la violence du ressentiment qui, encouragé ou non, se manifeste alors à l'encontre d'un homme que l'on traîne dans la boue et que l'on voue aux gémonies, le considérant comme responsable de tous les malheurs et de leurs suites. On ne retiendra qu'un de ces libelles, à titre d'exemple, qui se propose de raconter l'histoire de ce « fripon, lâche et assassin, désigné sous le nom de Napoléon III, et plus communément sous celui de Badinguet, fils de ses père et mère, neveu du grand oncle, né on ne sait où, engagé volontaire en qualité de fourbe, parjure et assassin des peuples, le 2 décembre 1851 ».
C'est une édifiante biographie:
« Inscrit au Collège Militaire, fieffé coquin, dissolu, ambitieux, libéral en paroles, jésuite, conspirateur, transfuge, policeman, prisonnier, tout cela pour faire de l'argent. Républicain enragé (1831), depuis Président de la République Française, grâce à une étrange méprise du peuple (1848). Assassin de la République romaine (1849). Bourreau des Amis de la Liberté et de la République Française à laquelle il avait prêté serment (1851). Auteur de la farce: "L'Empire, c'est la Paix" (1853), partage de ses rapines avec ses compagnons du coup d'État. Auteur du coupd'État. Auteur du plébiscite de la liberté de se taire et de payer, récompense aux libéraux en prison, déportations, exécutions. Servitude et plate adulation envers le
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