Louis Napoléon le Grand
doute une dernière joie, mais c'était trop tard. Les deux derniers mots qu'il prononça furent « Louis. Sedan. » Il s'éteignit sans avoir revu son fils, dans la matinée du 9 janvier, à 10 h 45.
Louis arriva peu après pour découvrir le corps sans vie de son père. Il tomba à genoux après avoir embrassé sa mère, quitta la pièce et, se faisant raconter les derniers moments de l'empereur, il éclata en sanglots.
Dans la poche de la dernière redingote que Louis Napoléon aura revêtue, on retrouva le portefeuille en cuir dont il ne se séparait jamais. Blanchard Jerrold, qui l'avait rencontré souvent à Chislehurst et allait écrire le premier grand livre à lui être consacré, en a décrit le contenu. Il y avait, nous dit-il, [la] « dernière lettre de sa mère (tachée et froissée, quand nous l'avons vue, par la mer de Boulogne), quelques lettres de l'Impératrice, l'écriture enfantine de son fils et une collection bizarre de dessins populaires de saints et d'autres morceaux de journaux qui lui ont été envoyés de temps en temps, très souvent par les plus humbles de ses sujets ».
Dans sa lettre écrite à l'âge de cinq ans, le prince impérial exprimait toute sa tendresse pour son père : « Mon cher papa, je vous adore et j'ai le coeur bien gros quand vous n'êtes pas là. »
En Angleterre, c'est un véritable deuil national. Un quart d'heure a suffi pour qu'à Londres se répande la nouvelle. Les messages de condoléances ne tardèrent pas à affluer. Apportés par le télégraphe, ils viennent de toutes les Cours d'Europe; d'Italie, arrivent — enfin — des marques de reconnaissance pour le libérateur de 1859; et puis, venant de toute la France, c'est l'expression des sentiments des amis et partisans, grands ou petits, illustres ou inconnus.
Mais le témoignage le plus émouvant est peut-être encore le deuil silencieux du village de Chislehurst : habitants vêtus de noir, visages affligés, boutiques fermées depuis l'annonce de la mort jusqu'aux funérailles.
Le lendemain du décès, le prince de Galles, accompagné d'un de ses officiers, se rend à Camden Place et y embrasse le prince impérial. Arrive le comte Chouvalov en mission en Angleterre et qui a reçu, par télégraphe, du tsar Alexandre l'ordre d'exprimer ses condoléances. Puis ce sont le prince Christian, gendre de la reine Victoria, le prince et la princesse de Saxe-Weimar, le comte d'Aquila avec le prince Louis de Bourbon, son fils. Quelques heures plus tard, les exilés français arrivent à Chislehurst et assistent à la messe dite par l'abbé Goddard dans la petite église Sainte-Marie. A Londres, dans tous les offices religieux, lessermons prennent pour thème la mort de Louis Napoléon. La duchesse de Sutherland, grande maîtresse de la maison de la reine, vient s'informer de la santé de l'impératrice. Le lord-maire, les ambassadeurs, les ministres sont là pour signer le registre funèbre.
Au moment même où l'impératrice charge son fils de diriger les obsèques, une Marseillaise aussi poignante qu'inattendue est chantée dans le parc. Ce sont des réfugiés de la Commune venus rendre hommage à l'empereur.
D'autres Français se pressent le jour suivant. Parmi eux, Eugène Delessert apportant une caisse de terre des Tuileries.
Après l'autopsie pratiquée le 10 janvier par le docteur Bardon-Anderson, le corps est embaumé le 11. La pierre retirée de la vessie de l'empereur a la taille d'un oeuf de pigeon. Elle sera exposée au musée de Compiègne.
Dans la chapelle ardente qui a été dressée, Louis Napoléon repose, revêtu de l'uniforme de général de division, l'épée au côté, le képi à ses pieds, avec sur sa poitrine, à la fois, le grand cordon et la croix de chevalier de la Légion d'honneur, la médaille militaire, la médaille de la Campagne d'Italie et le glaive de Suède.
Au-dessus de ses mains croisées, un crucifix de nacre et de part et d'autre le portrait de l'impératrice et celui du prince impérial. A la main gauche, il porte l'anneau de son mariage et la bague qu'avait au doigt Napoléon I er lorsqu'il mourut à Sainte-Hélène.
Sur les draperies noires du fond de la grande galerie de Camden Place se détache une grande croix blanche surmontée des armes impériales et du « N » couronné. Le prince impérial a tenu à ce que son père reposât sous les couleurs de sa patrie et ce sont des drapeaux tricolores qui forment la voûte.
Le 14 janvier à 11 heures, le prince
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