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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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Camden, sis à Chislehurst, dans le comté de Kent, à dix-huit kilomètres de Londres, pour un loyer symbolique de 6 000 francs par an. Ce qui avait décidé l'impératrice, c'était la petite église catholique du village dont le clocher dominait le cimetière, si calme. Une église catholique dans un village anglais ! Eugénie s'accrocha donc à ce village, à cette église, à ce cimetière paisible... Était-ce prémonition?
    Quoi qu'il en soit, pour l'impératrice, le prince impérial et leur suite, quelle bénédiction que cette nouvelle demeure ! Eugénie venait tout juste d'y emménager quand elle avait revu son mari prisonnier.
    Bientôt se profila l'espoir d'une proche libération. Aussi longtemps que la guerre continuait, Louis Napoléon pouvait être un atout dans le jeu de Bismarck — car un terrible moyen de pression à l'égard du gouvernement français. Louis Napoléon avait pu craindre que la situation ne s'éternisât. Comme il le confiait dans une lettre à Émile Ollivier: « Dans quel épouvantableétat se trouve notre malheureux pays. Je ne sais comment cela finira car personne ne veut faire la paix, ou plutôt n'ose la signer. »
    Mais les événements vont se précipiter. Le 29 janvier 1871, l'armistice intervient. Dans la foulée, des élections sont organisées le 8 février pour désigner une Assemblée susceptible de ratifier le futur projet de paix. Louis Napoléon craint, à juste titre, que cette Assemblée ne s'érige en Assemblée constituante. Il lance donc, le même jour, une proclamation aux Français, leur faisant valoir que ce qu'ils ont fait eux-mêmes, eux seuls peuvent le défaire; son texte ne manque pas de force :
    « Quant à moi, meurtri par tant d'injustices et d'amères déceptions, je ne viens pas réclamer les droits que, quatre fois en vingt ans, vous m'avez conférés [...]. En présence des calamités qui vous entourent, il n'y a pas de place pour l'ambition personnelle [...]. Mais mon devoir est de m'adresser à la Nation comme son véritable représentant et de lui dire :
    "Tout ce qui est fait sans votre participation directe est illégitime. Il n'y a qu'un Gouvernement issu de la souveraineté nationale qui, s'élevant au-dessus de l'égoïsme des partis, ait la force de cicatriser vos blessures, de rouvrir vos coeurs à l'espérance." »
    La réponse de l'Assemblée, réunie à Bordeaux, est on ne peut plus sèche. Les députés confirment sa déchéance, et le déclarent « responsable de la ruine, de l'invasion et du démembrement de la France ».
    Désormais il ne sert plus à rien. Bismarck accepte enfin d'obtempérer aux injonctions de Guillaume I er qui souhaitait depuis longtemps sa libération.
    Le 19 mars, Louis Napoléon quitte Wilhelmshôhe. A ses compagnons de captivité qui voudraient le suivre en Angleterre, il objecte : « Je serai un simple particulier. » Sur le quai de la gare, il apprend la nouvelle de l'insurrection de la Commune : « Deux révolutions devant l'ennemi ! » murmure-t-il avec résignation. Il embarque aussitôt sur le yacht du roi des Belges et débarque le 20 à Douvres où l'attendent l'impératrice, le prince impérial et ô surprise, une foule nombreuse. Quelques larmes coulent alors sur ses joues... Après s'être reposée à Londres, la famille impériale arrive le soir même à Camden Place.
    C'est un lourd bâtiment de brique, reconstruit sur l'emplacementdu château de l'antiquaire Camden, contemporain de Jacques I er .
    Louis Napoléon avait de quoi ne pas s'y sentir totalement dépaysé. Dans le parc, se dressait la copie de la Lanterne de Diogène que Bonaparte avait fait ériger à Saint-Cloud, là où allaient avoir lieu bien des rencontres historiques à la fin de la IV e République et au début de la V e . Les boiseries de la salle à manger provenaient de la démolition du château de Bercy où la reine Hortense et Louis Napoléon avaient fait halte avant de quitter la France. Sur la façade de Camden Place, il y avait même une grosse horloge qui avait appartenu à l'ancêtre du précepteur du prince impérial, Filon.
    Plusieurs familles de la Cour des Tuileries avaient déjà rejoint l'impératrice à Chislehurst, les Aguado, les Clary, les Bassano, les Davillier, les Saulcy. A Londres s'étaient regroupés les Murat, la duchesse de Montmorency, le duc de Mouchy, Jérôme David... Les anciens ministres Rouher, Chevreau, Clément Duvernois étaient à Richmond. Une petite cour se reconstitua ainsi,

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