Louis Napoléon le Grand
des convergences ne se termine pas là. D'autres rapprochements existent, concernant notamment le rôle extérieur de la France...
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Car, comme celle de Charles de Gaulle, la pensée de Louis Napoléon ne s'arrête pas aux limites de l'Hexagone. D'abord parce que les principes auxquels il croit ont pour lui valeur universelle, et qu'il n'existe aucune raison de priver les autres nations des avantages qu'ils impliquent. Et puis il s'agit d'expliquer et de justifier la politique étrangère de Napoléon I er ; de démontrer que l'usage, apparemment immodéré, du sabre était un moyen et non une fin.
En le voyant s'y employer, on comprend tout le sens de la phrase de Frédéric Bluche, qui voit dans ce nouvel élan donné aux idées napoléoniennes, dans ce véritable néo-bonapartisme, une « doctrine remise à neuf ».
Là aussi, il est clair que le Napoléon I er dont il se réclame est celui qui se présentait, depuis Sainte-Hélène, comme le « libérateur des peuples », et qui déclarait déjà dans l'Acte additionnel de 1815: «J'avais pour but d'organiser un grand système fédéral européen que j'avais adopté comme conforme à l'esprit du siècle et favorable aux progrès de la civilisation. »
Las! L'action de la France a été contrecarrée et finalement anéantie par une coalition contre-révolutionnaire qui la refusait absolument... Alors Louis Napoléon va reprendre à son compte l'ambition — réelle ou supposée — de son oncle. Cela passe évidemment par la remise en cause des traités de 1815, qui ont créé un ordre européen contre nature fondé sur la répression des aspirations des peuples.
Ainsi, Waterloo n'est plus une défaite, un mauvais souvenir à effacer; c'est un point de départ, un symbole, un cri de ralliement.
Waterloo ! « Ici, écrit-il, toute voix française s'arrête et netrouve plus que des larmes! Des larmes pour pleurer avec les vaincus, des larmes pour pleurer avec les vainqueurs qui regretteront tôt ou tard d'avoir renversé le seul homme qui s'était fait médiateur entre deux siècles ennemis. »
Cela signifie que Louis Napoléon se fixera à son tour un objectif de grande ampleur, celui de concentrer les « peuples géographiques » — autrement dit les nationalités — qui ont été écartelés par l'histoire. Pour les Français et les Espagnols, le but est atteint. Restent les Italiens et les Allemands. D'où l'idée d'une fédération italienne, d'une fédération germanique, peut-être même, un jour, d'une confédération européenne, avec des codes identiques, un système judiciaire unifié, une monnaie commune.
Il s'agit de donner aux peuples « leurs nationalités et les institutions qu'elles réclament [...]. Alors, tous les peuples seront frères et ils s'embrasseront à la face de la tyrannie détrônée, de la terre consolée et de l'Humanité satisfaite ».
La perspective est double: mettre un terme aux guerres civiles européennes et garantir une paix durable; offrir à la France un rôle de médiateur européen dont on voit mal, dans un tel contexte, comment il pourrait lui échapper... On aurait tort de négliger la portée et l'audace d'un tel engagement, dont on mesurera bientôt les effets. Comme l'écrit Jacques Rougerie, « la question des nationalités, au XIX e siècle, c'est l'équivalent, à peu près, en charge explosive comme en poids sentimental et politique, de ce que sera, au XX e siècle, la décolonisation. Toutes les gauches européennes en défendent d'enthousiasme la cause, toutes les droites y font durement obstacle. C'est un Rubicon que passe là [Louis Napoléon] ».
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Si la pensée est claire, la stratégie censée la servir n'est probablement pas à la hauteur des problèmes à résoudre. Elle est sommaire et se résume en deux verbes: apparaître et entraîner...
Une fois pour toutes, Louis Napoléon a décidé qu'il a une mission à accomplir: « Dans toutes mes aventures, explique-t-il, je suis dirigé par un principe. Je crois que, de temps en temps, des hommes sont créés, que j'appellerais volontiers providentiels, dans les mains desquels sont remises les destinées de leur pays. Je crois être moi-même l'un de ces hommes. Si je me trompe, je peux périr inutilement. Si j'ai raison, la Providence me mettra en état de remplir ma mission. »
Les circonstances de l'époque, celles de l'adolescence et de la jeunesse de Louis Napoléon expliquent cette approche romantique des choses. A pesé aussi
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