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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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d'enthousiasme pour le pays qui l'accueille — jusqu'à ce que la lettre de sa mère lui laissant pressentir sa fin le fasse rentrer en Europe, via l'Angleterre.
    Quant à ses amis et à ses complices, on organise pour eux un procès devant la cour d'assises du Bas-Rhin, procès qui, comme pour mieux souligner encore l'incongruité de son initiative, se termine par un acquittement général.
    Les mois qui vont suivre l'équipée de Strasbourg vont être durs, très durs.
    C'est le moment que choisit sa cousine Mathilde, à laquelle ilétait fiancé, pour lui adresser sa lettre de rupture. La mélancolie, l'amertume qui habitent Louis Napoléon, l'isolement auquel il est contraint expliquent peut-être le peu d'aménité qui l'inspire lorsqu'il juge les Etats-Unis: « Ce pays-ci a une force matérielle immense, mais de force morale, il en manque totalement [...]. Parmi ce peuple de marchands, il n'y a pas un homme qui ne spécule... » Or, « notre nature est composée d'un être moral et d'un être matériel. Ici, il n'y a que le second de connu: gagner de l'argent, voilà le seul mobile. »
    Il est d'ailleurs choqué de constater que sur cette terre de libertés, il y a des millions d'esclaves...
    Dès le 10 juillet 1837, il est à Londres, d'où — muni d'un vrai faux passeport — il se précipite à Arenenberg pour assister aux derniers jours de sa mère.
    ***
    Par quelle aberration le gouvernement de Louis-Philippe, qui, au lendemain de l'affaire de Strasbourg, avait joué le jeu fort intelligemment en se gardant de transformer Louis Napoléon en martyr, rompt-il avec cette attitude après la mort d'Hortense et offre-t-il au prince l'occasion de se payer, à ses dépens, la plus efficace des publicités?
    Toujours est-il qu'au lendemain du décès de sa mère la France demande très officiellement à la Suisse l'éloignement du prince. Et, comme la Suisse répugne à s'exécuter, voilà que Paris se donne le ridicule d'organiser une démonstration militaire à la frontière, où l'on dépêche rien de moins qu'un corps d'armée!
    Double erreur.
    Chercher noise à Louis Napoléon à l'heure où chacun comprend bien qu'il est plongé dans l'affliction, c'est provoquer l'opinion et s'aliéner les coeurs.
    Donner à entendre que la simple présence en Suisse du prince peut être le prétexte à une guerre, c'est amplifier démesurément l'enjeu et démontrer à tous que Louis Napoléon constitue un danger autrement plus grand, donc une alternative autrement plus crédible, que ne le faisait croire la thèse officielle de l'apitoiement navré.
    Louis Napoléon va aussitôt comprendre le parti qu'il peut tirer de cette malencontreuse foucade. Il adoptera l'attitude chevaleresque qui s'imposait, et qui servira sa réputation.
    De leur côté, les Suisses se montrent fidèles à leurs traditions. La Diète fédérale de Berne a transmis le dossier au canton de Thurgovie, qui a fait valoir qu'à ses yeux Louis Napoléon était suisse — du fait du droit de bourgeoisie qu'il lui a accordé. Devant l'ampleur que prend l'affaire, il est pourtant décidé de consulter chacun des vingt-deux conseils cantonaux. Tout indique que prévaudra la même attitude négative.
    C'est le moment, en septembre 1838, que choisit Louis Napoléon pour prendre les devants, en annonçant qu'il a décidé de s'éloigner. Si cela implique pour lui tous les désagréments d'un changement de résidence, du moins est-il assuré de tirer le bénéfice politique de l'affaire. Son message au conseil cantonal de Thurgovie ne manque d'ailleurs pas d'allure: « La Suisse a su faire son devoir comme Nation indépendante, je saurai faire le mien. En m'éloignant des lieux qui m'étaient devenus chers à tant de titres, j'espère prouver au peuple suisse que j'étais digne des marques d'estime et d'affection qu'il m'a prodiguées. »
    ***
    Lorsque Louis Napoléon arrive à Londres le 25 octobre 1838, il en est à son quatrième séjour sur le sol des ennemis jurés de son oncle. Il y était venu avec Hortense, en 1831, après l'affaire de Forli, en 1833 avec son ami le comte Arese pour son entrevue avec les frères de l'empereur, et en juillet 1837 sur le chemin qui l'avait conduit des États-Unis à Arenenberg. Il y reviendra une cinquième fois, après son séjour en prison et son évasion. C'est en Angleterre qu'il apprendra la nouvelle de la révolution de Février, et que, dans les premiers mois qui suivront, il dirigera l'organisation de sa cause.

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