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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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de Bourges estima inutile la proposition des questeurs, vu que l'Assemblée était déjà protégée par le peuple, en qui il discernait une « sentinelle invisible », formule fameuse, qui allait s'avérer bien malheureuse et que la tradition républicaine n'a jamais cessé de lui reprocher.
    Proudhon, de son côté, exprima de manière beaucoup plus réaliste, le regret que les républicains n'aient pas su choisir leur camp, en ratant un nouveau rendez-vous : « Tout le malheur de la Montagne dans cette occasion a été de ne pas embrasser résolument la situation qui lui était faite d'accepter, telle quelle, une alliance du moment avec l'Élysée et d'en poursuivre jusqu'au bout les conséquences. Mais les passions non animées, les ressentiments trop âcres ne laissaient plus de place à la réflexion...
    « Au lieu de faire une opposition toute personnelle à Louis Bonaparte, elle n'avait qu'à se taire et à se tenir prête à partager avec lui le fruit de la victoire.
    « Ne valait-il pas mieux [...] que Michel [de Bourges] fût ministre d'État ou président du Conseil, le 4 décembre, que d'aller à Bruxelles, dans un exil sans gloire, pleurer l'erreur de l'invisible sentinelle? »
    Quoi qu'il en soit, la proposition fut repoussée par 408 voix contre 300.
    Louis Napoléon décommanda un dispositif de riposte mis en place dans la hâte... Mais ce n'était que partie remise...
    ***
    Il n'avait plus le choix.
    Les discussions qu'il avait engagées avec certains membres de la majorité, pour rechercher ensemble une solution, n'avaient pu aboutir à quoi que ce fût de satisfaisant.
    Elles le convainquirent du moins qu'il n'y avait pas d'autre issue qu'un coup de force.
    On pouvait s'interroger sur la méthode à suivre... mais pas sur le fait qu'il n'y avait aucun moyen de rester dans le droit. Il lui fallait jouer serré et éviter, dès lors qu'on forçait le cours des choses, que ses adversaires de l'Assemblée n'y trouvent le prétexte et les moyens d'obtenir sa déposition.
    Trois hommes vont jouer un rôle essentiel dans le scénario quia été mis au point. Louis Napoléon les a placés progressivement à des postes stratégiques, d'où ils pourront diriger la manoeuvre.
    Le principal artisan du coup d'État, et peut-être même son véritable auteur, sera Morny. Morny qui, sans doute plus que quiconque, y compris Louis Napoléon lui-même, incarnera ce second Empire dont il a préparé la naissance. En tout cas, il ne s'en est jamais caché: « Je crois pouvoir déclarer que, sans moi, le Coup d'État n'aurait jamais eu lieu. » Il y prendra part, selon ses propres termes, « la bourse dans une main, la cravache dans l'autre ».
    Quoique son demi-frère — et son cadet de trois ans — né de la liaison de la reine Hortense et de Flahaut, donc petit-fils de Talleyrand, il est très différent de Louis Napoléon. Les deux hommes ne se sont découverts que sur le tard, après la mort de leur mère, et ne se sont pas spontanément appréciés. Si Louis Napoléon est tout de conviction, Morny est un modèle de cynisme et de scepticisme. Mais il est brillant, fabuleusement intelligent, sans scrupules et, à bien des égards, fascinant. C'est peu dire qu'il fait profession d'opportunisme: il l'affiche, le clame.
    Louis Napoléon, qui le trouve un peu « envahissant », éprouve sans doute une pointe de jalousie envers cet homme à qui la nature a accordé tout ce dont il est lui-même privé, l'élégance, le brio, la facilité. Ce sentiment d'envie s'accompagne probablement d'une certaine méfiance. Il sait bien que si Morny doit lui être utile, ce sera sur la base de liens d'intérêts et non par communion d'idées.
    Les idées de Louis Napoléon, d'ailleurs, Morny s'en gausse ; il trouve l'homme « imbu de préjugés, de faux systèmes, de défiance ». Le prince avait, selon lui, « les idées qu'on prend naturellement dans un exil prolongé, une espèce de libéralisme sentimental, naturel aux proscrits, mais avec lesquels on ne conduit pas longtemps un gouvernement. Son entourage se composait d'une collection de niais ayant passé leur vie en opposition ou en prison ».
    Ce n'est pas le dogmatisme, il est vrai, qui pourra jamais aveugler Morny : il a tout tenté, tout testé. Fort bien en cour sous Louis-Philippe, il a été élu député conservateur et on a même parlé de lui pour un ministère ; mais cela ne l'a pas empêché de manifester aussi quelques velléités légitimistes.
    Après une

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