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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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pour la voter! Une erreur peut toujours être commise par une majorité parlementaire ; il n'y a rien là de dramatique lorsqu'une autre majorité peut la corriger. Or, cela n'est pas possible dans le cas d'espèce. Tout bien considéré, il s'agit ni plus ni moins d'une disposition scélérate empêchant la libre expression du suffrage universel.
    Cette turpitude est d'autant plus sensible à l'opinion que l'échéance de 1852 prend peu à peu la dimension d'un mythe. Un mythe empoisonnant, dévastateur, source de grande peur pour les uns, de folles espérances pour les autres.
    La chanson de Pierre Dupont : Viens en déployant ta lumière, mil huit cent cinquante-deux illustre bien ce climat de psychose, fait d'espoir et d'appréhension.
    On prévoyait que les exclus du suffrage universel iraient voter quand même, au besoin par la force, ajoutant ainsi à la confusion et au désordre. Et dans ce contexte général d'incertitude et d'instabilité, les fermetures d'usines, les conflits sociaux, les disettes, l'épidémie de choléra ajoutaient encore au malaise des esprits. Car la crise économique allait de pair avec la crise politique: les quelques signes de reprise enregistrés en 1849 et 1850 n'avaient pas été confirmés...
    Comment s'étonner, dès lors, que pour tant de citoyens des deux camps antagonistes, il n'y ait qu'un arbitre possible, qu'un sauveur désigné: Louis Napoléon. Marx l'a parfaitement expliqué :
    « Quel effet devaient produire [...] la lutte entre le Parlement et le pouvoir exécutif, la fronde des orléanistes et des légitimistes, les conspirations communistes du midi de la France, les espèces de jacqueries dans les départements de la Nièvre et du Cher, les réclames des différents candidats à la présidence, les recettes charlatanesques des journaux, les menaces des républicains de défendre la Constitution et le suffrage universel les armes à la main, les évangiles des héros in partibus émigrés à l'étranger qui prophétisaient la fin du monde pour le 2 mai 1852 ?
    « On comprend que dans cette bruyante et incroyable confusion de fusion, révision, prorogation, constitution, conspiration, coalition, émigration, usurpation et révolution, le bourgeois affolé se soit mis de rage à crier à sa république parlementaire : "plutôt une fin effroyable qu'un effroi sans fin". »
    Mais, si Louis Napoléon peut, sans coup férir, à l'occasion d'une élection présidentielle ou d'un plébiscite, réunir sur son nom une large majorité, les choses sont ainsi faites que, faute du soutien d'un véritable parti, il ne peut empêcher, lors d'élections législatives, la dispersion de ses partisans potentiels entre des formations irréductiblement hostiles.
    La synthèse que le pays attend, il n'a donc pas d'autre solution que de l'imposer, puisqu'on lui refuse toute autre voie. Et l'on n'a aucune raison de douter que, s'il envisage cette solution, c'est en vue d'une conciliation, d'une réconciliation, que nul autre ne peut obtenir.
    Pourtant, Louis Napoléon hésite à franchir le Rubicon, pour employer la référence dont il fera lui-même usage. Il est pris entre son entourage qui le presse, l'analyse politique d'une situation bloquée dont on ne sait comment sortir, et le pressentiment des difficultés qu'il aura à justifier la faute qu'on ne va pas manquer de porter à son débit. D'où sa volonté, éperdue, de trouver en dernière minute une solution qui pourrait tout sauver. Cela tient de l'acharnement thérapeutique. On a cru, une fois de plus, à de l'indécision. En fait, il tente désespérément d'éloigner de ses lèvres un calice dont il voudrait tant ne pas goûter le breuvage...
    Mais le temps presse. L'urgence se confirme. Il va bien falloirque, d'une manière ou d'une autre, une solution intervienne et que soit tranché le noeud gordien. Ne peut-il tout redouter de l'Assemblée?
    Les rumeurs d'un complot orléaniste ne se font-elles pas toujours plus insistantes? La reine Victoria, à la suite de Palmerston, s'en fera plus tard l'écho. Elle écrira ainsi au roi Léopold: « Je crains que le pauvre Joinville eût quelque idée, quelque idée folle d'aller en France... La candidature de Joinville fut, à tout point de vue, très déraisonnable et amena Louis-Napoléon à suivre un cours si désespéré... »
    En tout cas, le président est décidé à saisir la plus proche occasion pour frapper un grand coup. Ce pourra être une ultime tentative de conciliation

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