Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
Vom Netzwerk:
avaient épousé sa cause ne pouvaient se satisfaire d'une situation de précarité. Car les appétits ne manquent pas et sont encore loin d'être rassasiés. C'est le moment des impatiences. Il s'agit pour les uns de faire fructifier, comme s'il s'agissait d'un investissement, le risque qu'on a pris de s'engager, pour les autres de tirer tout le parti possible de la chance qu'on a eue de se trouver du bon côté. On veut donc des places, des dotations, des charges, des titres de noblesse... L'heure est venue pour beaucoup de profiter, enfin. Et ceux-là trouvent dans la famille, l'inévitable famille, de très puissants alliés.
    Car la famille, en république, n'est rien ou presque. Elle dépend tout entière de la faveur du prince. Avec le rétablissement de l'Empire, elle gagnerait beaucoup en s'institutionnalisant. Les prébendes seraient un droit, et non plus un effet de la bienveillance parentale.
    Le drame de Louis Napoléon se noue alors, car il va céder à ceux qui l'entourent. Progressivement, comme imperceptiblement, mais sûrement.
    Aurait-il fini par croire — comme ils ne manquent pas de le lui laisser entendre — qu'il leur doit ce qu'il est devenu? En réalité, il ne leur doit pas grand-chose. Et même rien. Sauf son nom.

    Alors, pour son malheur, il va consentir à leur rembourser ce qu'il croit devoir, dans son élévation, au prestige de ce nom. Ainsi, curieusement, sa résignation progressive à son accession à la dignité impériale est un acte d'humilité; d'humilité excessive portant sur la matérialité de son propre mérite.
    Il faudra pourtant lui forcer la main... Il faudra aussi, à son insu, rendre comme naturel, obligé, le passage de la République à l'Empire. Toute une série de faits mineurs, de détails, vont y concourir. Et ce ne sont pas les comploteurs qui manquent pour lui faire franchir ce second Rubicon.
    Le grand voyage qu'il va entreprendre dans le Midi, en septembre-octobre 1852, après s'être rendu dans l'Est en juillet, va en fournir l'occasion.
    Pressé de toutes parts, Louis Napoléon consent du moins à prendre le pouls du pays. Mais il entend le faire objectivement,sincèrement. Car il hésite... Et il s'en ouvre, fixant d'emblée la règle du jeu : « Je ne veux pas que le pays soit guidé, je veux qu'on le laisse libre d'exprimer comme il l'entend les sentiments qu'il éprouve : mon voyage est une interrogation ; je ne veux pas qu'on prépare la réponse. » La preuve de la sincérité de sa démarche, il l'apporte en choisissant son parcours : il retient, délibérément, les régions méridionales, qui sont loin de lui être les plus favorables.
    C'est compter sans Persigny qui, se faisant l'interprète de beaucoup, souhaite que le voyage ait l'allure d'une consécration et qui enrage devant tant d'atermoiements de la part de son prince ; il se plaint même ouvertement qu'un « vertige de timidité l'ait saisi ».
    Il a d'autant plus envie de faire éclore la bonne réponse à la question qu'il estime si inutilement posée qu'il sent bien, au niveau de popularité où se trouve le prince, que si l'on croit que Louis Napoléon souhaite l'Empire, on lui répondra: « Va pour l'Empire... »
    Alors, au Conseil des ministres qui précède le voyage, il demande à ses collègues, avec une fausse ingénuité: « Que devons-nous recommander aux Préfets si, sur le passage du Président, on crie: Vive l'Empereur! » Et dans ses Mémoires il raconte: « A ce mot, il se passa une scène inouïe... De toutes parts, on m'interpellait. Les membres du Conseil se levaient, quittaient leur place, en criant, gesticulant. Ils se groupaient dans les embrasures des fenêtres, causant entre eux avec animation, puis revenaient sur moi comme des furieux, en me demandant si je voulais la guerre civile... Quant au Président, dont le calme habituel avait quelque peu été altéré par cette scène, il profitait des instants de silence pour me reprocher les insinuations que j'avais paru faire. »
    Dans la nuit, pourtant, Persigny se décide. Il convoque la plupart des préfets des départements qui vont accueillir le président, et leur donne des instructions aussi claires qu'énergiques, qui se résument à ceci: Faites crier: Vive l'Empereur! Faites même crier : Vive l'Empereur Napoléon III, car bien que Napoléon II n'ait pas régné, cela vieillira la dynastie. Mieux encore, faites fabriquer des drapeaux avec l'inscription: « Vive Napoléon III ». Distribuez-les aux

Weitere Kostenlose Bücher