Louis Napoléon le Grand
d'autant moins de bonheur qu'on se rapproche du terme de ce qui n'est plus une discussion, justifie la recherche de moyens visant à « moderniser » les débats. Et le modèle de la Chambre des communes a toujours ses zélateurs.
De même, on a fait grand cas de ce que le Corps législatif ne disposait pas d'un plein et entier droit d'amendement. Il est certain que, dans le système nouveau, le pouvoir législatif n'a pas la partie belle, face à un président élu pour dix ans, disposant de tout le pouvoir de l'exécutif et de l'initiative des lois, doté d'une compétence réglementaire étendue, choisissant seul ses ministres et ayant droit, à tout moment, d'en appeler au peuple. Il est non moins certain que le parlementarisme dont il s'agit est d'un type très « rationalisé » : le président propose, le Conseil d'État met en forme, le Corps législatif vote, le Sénat vérifie la constitutionnalité. Tel est, schématiquement, l'essentiel du dispositif.
Que le Corps législatif, dès lors que le Conseil d'État s'est opposé à tel ou tel amendement, soit obligé de voter la loi telle qu'on la lui propose ou de la repousser en bloc peut certes apparaître comme une atteinte aux prérogatives d'une assemblée parlementaire. En fait, le constituant de 1852 n'a jamais fait que découvrir, avant la lettre, le « 49-3 » de la Constitution de 1958. Et tout près de nous, sous tous les gouvernements, y compris socialistes, que d'exemples de textes qui sont présumés adoptés... sans avoir été votés, et dont, par le biais de telle ou telle facilité de procédure, le dispositif est à prendre tel quel, ou à laisser.
A ceux qui critiquent un tel état de choses, on répond généralement — et non sans raison — que ces mécanismes n'ont d'autre effet que de ramener les partenaires, l'exécutif et le législatif, à l'essentiel. Et d'abord à cette question simple : sont-ils ou non décidés, nonobstant une divergence ponctuelle et passagère, à continuer de marcher, ensemble, dans la même direction? Le refus d'accepter la rupture vaut réponse positive de la part du législatif. Qui peut mettre en doute que ce refus, au moins aux lendemains du 2 Décembre, correspondait bien à la volonté constante et délibérée du Corps législatif?
Pour que cette volonté fût aussi celle du pays, encore convenait-il de donner au suffrage universel une expression fidèle et authentique. L'organisation électorale fit précisément l'objet d'un des décrets présidentiels, décret qui instituait le scrutin uninominal majoritaire, et sur lequel se greffèrent des circulaires et des initiatives de Persigny; celui-ci, au comble du ravissement, avait en effet succédé à Morny au ministère de l'Intérieur.
Il est vrai que, d'emblée, s'instaura la pratique de la candidature officielle. Il revenait aux préfets, non seulement de faire gagner les bons candidats, mais encore... de les repérer et de les décider. Comme le leur écrivait joliment Persigny: « Il faut que le peuple soit mis en mesure de discerner quels sont les amis et quels sont les ennemis du Gouvernement qu'il vient de fonder. »
Ce faisant, on se bornait à reprendre des pratiques déjà observées auparavant et quasi ininterrompues. Pratiques dont on aimerait d'ailleurs à croire qu'elles ont complètement disparu, la seule certitude en la matière étant qu'elles ont perdu en efficacité... A l'époque, du reste, le procédé n'empêcha pas l'élection d'opposants, et de moins en moins, au fur et à mesure du retournement de l'opinion.
C'est dire qu'on se tromperait lourdement en pensant que le système de la candidature officielle fit obstacle à la libre expression du suffrage universel. Et, tout l'indique, si les partisans de Louis Napoléon, au moins au début du régime, obtinrent de si fortes majorités, c'est parce que telle était la volonté du pays.
Faut-il ajouter que la liberté de candidature fut toujours entière? Dès l'origine, Persigny, qui probablement n'en pouvait mais, fit savoir à ses préfets que c'était, pour Louis Napoléon, un point essentiel : « Toutes les candidatures doivent se produire sans opposition et sans contrainte. Le Prince-Président se croirait atteint dans l'honneur de son Gouvernement si la moindre entrave était mise à la liberté des votes. »
Cette ouverture produisit d'ailleurs des effets tout à fait inattendus. En 1852, elle permit à Morny — avec l'appui personnel du préfet, il est vrai —
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