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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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d'être élu contre le candidat officiel. Et le fait prend toute sa saveur si l'on se souvient que le nouvel élu allait être bientôt placé par Louis Napoléon lui-même... à la tête du Corps législatif.
    Il demeure que la Constitution établissait un pouvoir personnel. Un pouvoir d'autant plus personnel qu'il reposait sur la volonté du peuple. Le président devait être d'autant plus fort que c'était le peuple qui le voulait. Cette sorte de pacte fondamental se trouve inscrit dans l'article 5 : « Le Président de la République est responsable devant le peuple français auquel il a toujours le droit de faire appel. »
    Ainsi, cette constitution qui est, à la fois, autoritaire... et démocratique ouvre, ou du moins n'interdit aucunement, les évolutions ultérieures. C'est même, tout compte fait, sa caractéristique essentielle.
    Louis Napoléon — qui a déjà souvent cité la phrase de son oncle : « Une constitution est l'oeuvre du temps » — reconnaît et précise ce principe d'évolution dans son préambule, véritable message qu'il adresse aux Français:
    « Le Sénat peut, de concert avec le Gouvernement, modifier tout ce qui n'est pas fondamental dans la Constitution, mais quant aux modifications à apporter aux bases premières, sanctionnées par vos suffrages, elles ne peuvent devenir définitives qu'après avoir reçu votre ratification. »
    C'est dire l'intérêt qu'on doit accorder à l'analyse de William Smith, qui voit là le « paradoxe du coup d'État ». Louis Napoléon,qui vient de saisir le pouvoir, acte approuvé par le peuple et consolidé ensuite par une constitution qui le confirme pleinement dans son rôle, se déclare prêt à accepter une réduction éventuelle de ce rôle dès lors que le peuple, appelé à se prononcer, en décidera ainsi.
    ***
    Il est temps de se demander pourquoi, nanti de tels pouvoirs, Louis Napoléon s'est finalement résolu, quelques mois plus tard, à rétablir l'Empire...
    Le président a fort bien compris, en effet, que ce rétablissement ne lui apporterait guère de prérogatives supplémentaires. Dès lors que le suffrage universel est maintenu — et comment, de sa part, pourrait-il en être autrement? — Louis Napoléon n'a aucun surcroît de pouvoir à escompter: l'exécutif est tout entier entre ses mains, assorti des moyens de guider le législatif pratiquement à sa guise... La meilleure preuve n'en est-elle pas qu'au moment fatidique on ne touchera pas à la Constitution de 1852?
    Dans son discours du 29 mars aux corps constitués, il indique clairement que le statu quo lui convient : « Conservons la République, dit-il, elle ne menace personne, elle peut rassurer tout le monde. » On croirait entendre Thiers et ses amis : la république est le régime qui divise le moins.
    Au cours de la même intervention, il va plus loin encore, évoquant l'Empire avec une certaine dérision et s'en servant, bizarrement, comme d'une menace: « [...] au 2 décembre, si des considérations personnelles l'eussent emporté sur les graves intérêts du pays, j'eusse d'abord demandé au peuple, qui ne l'eût pas refusé, un titre pompeux. Je me suis contenté de celui que j'avais.
    « ... Je n'accepterais de modifications à l'état présent des choses que si j'y étais contraint par une nécessité évidente. D'où peut-elle naître? Uniquement de la conduite des partis. S'ils se résignent, rien ne sera changé. Mais si par leurs sourdes menées, ils cherchaient à saper la base de mon Gouvernement, si dans leur aveuglement, ils niaient la légitimité du résultat de l'élection populaire, si enfin, ils venaient sans cesse par leurs attaques mettre en question l'avenir du pays, alors, mais seulement alors, il pourrait être raisonnable de demander au peuple, au nom du repos de la France, un nouveau titre qui fixât irrévocablement sur ma tête le pouvoir dont il m'a revêtu. »
    Évidemment, on s'est gaussé de ces déclarations auxquelles on n'a pas cru un instant. On y a vu, on continue d'y voir une manifestation de duplicité. Et une fois de plus, la cause doit être entendue avant même d'avoir été plaidée: le rétablissement de l'Empire aurait été, depuis toujours, le seul et unique objectif de Louis Napoléon. Pourtant, sa position ne comporte aucune ambiguïté : il est prêt à conserver la forme républicaine du régime, et n'a que faire d'un titre « pompeux »...
    Comment s'étonner d'une si compréhensible sagesse? Le rétablissement de

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