Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
accueille Marie Anne ; à Chalons, où Monseigneur l’épouse ; au château de Saint-Germain, à celui de Saint-Cloud, où le roi, puis Monsieur et Madame – Philippe d’Orléans et la Palatine – la reçoivent.
Louis, les yeux mi-clos, immobile, observe le ballet de la Cour autour de la dauphine.
Il effleure du regard Athénaïs de Montespan qui s’efforce de paraître légère, désinvolte et joyeuse.
Mais elle n’est plus qu’une ombre du passé qui s’efface.
Il voit Marie-Angélique de Fontanges, qui avance d’un pas hésitant, le visage marbré de taches rouges, les traits affaissés.
Qu’est devenue la jeune femme qui, il y a quelques mois, le faisait s’écrier : « Vive Dieu, quelle belle créature ! » Elle qui portait ses cheveux dénoués tombant en boucles sur ses épaules, et toute la Cour avait voulu se coiffer « à la Fontanges » !
Il avait éprouvé avec elle un regain de désir, et n’avait pas hésité à avaler ces poudres blanches que lui avait procurées son valet, et dont il avait en effet constaté qu’elles lui rendaient la vigueur de la jeunesse.
Il avait été heureux que La Fontaine, ce poète qui avait refusé d’être un courtisan, qui avait été fidèle à Fouquet, ait écrit, séduit par Marie-Angélique :
Charmant objet digne présent des Cieux
Votre beauté vient de la main des Dieux.
Mais que restait-il de ce charme divin ?
Marie-Angélique de Fontanges a le visage enflé, déformé, tacheté.
Elle est victime d’hémorragies consécutives à une grossesse, mais l’enfant est mort-né. Et elle ne se remet pas, fiévreuse, hagarde, cherchant à défendre sa place.
Il ne peut plus, il ne veut plus la voir.
Ce visage, ce corps qu’il a connus si beaux l’angoissent désormais. Il a fait ce qu’il a dit : Marie-Angélique est duchesse avec une pension de quatre-vingt mille livres. Sa sœur a obtenu d’être abbesse de Chelles.
Il ne peut donner davantage.
Et il est heureux d’apprendre que Marie-Angélique de Fontanges va se retirer dans l’abbaye de Chelles, auprès de sa sœur. Qu’elle ne suivra pas la Cour, qu’il veut conduire en Flandre, afin de visiter, durant les jours d’été, du 13 juillet au 31 août 1680, les places fortes, françaises depuis le traité de Nimègue.
On va, en courtes étapes, de Calais à Dunkerque, de Lille à Valenciennes, de Cambrai à Maubeuge.
Le soir, souper, dans la demeure la plus vaste de la ville visitée. Il s’assied souvent auprès de Mme de Maintenon.
Il est rassuré par le maintien réservé de cette dame au corps replet. Mais elle a la peau rose d’une femme mûre en bonne santé et cela l’apaise, alors que les corps de Mme de Montespan et de Marie-Angélique de Fontanges l’inquiètent.
Il a fait nommer – et il a mesuré la surprise de la Cour – Mme de Maintenon seconde dame d’atour de la dauphine.
Il a voulu marquer ainsi qu’elle n’était plus une dame parmi d’autres, mais, comme l’ont dit aussitôt les courtisans, « Mme de Maintenant ».
À Saint-Germain, il a pris prétexte d’une visite quotidienne qu’il a décidé de rendre à la dauphine pour passer plusieurs heures avec sa seconde dame d’atour, logée près de l’épouse de Monseigneur.
Mme de Maintenon parle avec calme et douceur. Elle n’a aucun des éclats, des traits, des saillies provocants d’Athénaïs de Montespan, ni les sots propos de Marie-Angélique de Fontanges.
Il a l’impression de découvrir avec elle le commerce de l’amitié, et de la conversation sans contrainte ni chicane.
Et il lui semble que cette relation s’accorde à la période de la vie dans laquelle il est entré. Il sait qu’à la Cour on entoure déjà Mme de Maintenon de prévenances.
On s’incline devant elle. On la sollicite.
Il l’observe. Elle conserve un port modeste. Elle ne cherche ni à étonner, ni à briller, ni à séduire. Elle ne s’assied pas le soir aux tables de jeu. Elle ne boit pas comme Athénaïs de Montespan.
Elle inspire le respect. On n’aura jamais pour elle la cruauté qu’on exerce à l’égard de Marie-Angélique de Fontanges, dont on dit qu’elle « a été blessée dans le service, et qu’elle est désormais impotente » et que c’est pour cela qu’on l’a renvoyée comme une servante.
Il ne tolérera pas qu’on agresse ou qu’on brocarde Mme de Maintenon. Elle est digne et on doit l’être avec elle. Elle n’a d’ailleurs aucune des insolences,
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