Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
pour contempler le cortège royal qui se dirige vers le Parlement.
Louis entend ces manants, semblables à ceux qui sont entrés soupçonneux dans sa chambre, crier comme ils ne l’ont jamais fait avec autant d’enthousiasme « Vive le roi ! ». Certains sont grimpés dans les arbres, d’autres s’agglutinent aux fenêtres.
Louis regarde droit devant lui, tenant tendue la bride de son cheval recouvert d’un tissu brodé de lys. Il suit le grand écuyer de France, le comte d’Harcourt, qui porte l’épée royale.
Le soleil de ce 7 septembre 1651 fait briller les armes et les parements des chevau-légers, des écuyers, des gardes suisses, et les livrées des valets. Ce sont plusieurs centaines d’hommes qui avancent ainsi à pas lents, acclamés, vers le Parlement, escortant les princes, les ducs, les gouverneurs de province.
Louis entend ces acclamations, voit cet or, ce bleu, ce noir des velours, ces parures. Il est le roi de France, majeur enfin.
Il entre dans le Parlement.
Le prince de Conti s’approche, pour lui remettre une lettre de son frère le prince de Condé, qui n’assiste pas à la cérémonie.
Ne pas la saisir, mépriser cette absence insolente, lourde d’hostilités à venir, indiquer d’un mouvement du menton qu’on remette la missive au maréchal de Villeroy.
Louis s’avance. Son habit de soie est couvert de broderies.
Il se souvient des précédents lits de justice. Maintenant il peut parler fort, en roi majeur et non comme un enfant qui répète sa leçon.
— Messieurs, dit-il, je suis venu en mon Parlement pour vous dire que suivant la loi de mon État, je veux désormais en prendre moi-même le gouvernement et l’administration. J’espère de la bonté de Dieu que ce sera avec piété et justice. M. le chancelier vous fera plus particulièrement entendre mes intentions.
Il écoute à peine le chancelier Séguier.
Qu’il parle ! Dès demain je composerai le gouvernement à ma guise et je lui retirerai la garde des sceaux.
La reine s’avance vers Louis. Il est ému de l’entendre, mais il doit paraître insensible, et cependant chaque mot qu’elle prononce le touche :
— Voici la neuvième année que, par la volonté du roi défunt, mon très honoré Seigneur, j’ai pris le soin de votre éducation et du gouvernement de votre État. Dieu par sa bonté a donné bénédiction à mon travail et a conservé votre personne, qui m’est si chère et si précieuse, et à tous vos sujets. À présent que la loi du royaume vous appelle au gouvernement de cette monarchie, je vous remets avec grande satisfaction la puissance qui m’avait été donnée pour le gouvernement. J’espère que Dieu vous fera la grâce de vous assister de son esprit de force et prudence, pour rendre votre règne heureux.
Louis se lève. Il craint de ne pouvoir parler tant sa gorge est serrée.
Il dit d’une voix un peu sourde :
— Madame, je vous remercie des soins que vous avez pris de mon éducation et de l’administration de mon royaume. Je vous prie de continuer à me donner de bons avis. Je désire qu’après moi vous soyez le chef dans mon conseil.
Mais il est désormais le roi, maître de tous les pouvoirs, même s’il veut que sa mère continue de présider en fait le gouvernement.
— Je n’ai rien à craindre de son ambition, murmure-t-il.
Il sait qu’il a besoin d’elle, pour faire face à la Fronde – une vraie guerre – que mène le prince de Condé. Les provinces s’insurgent à nouveau. Bordeaux s’enferme dans la rébellion.
Il faut briser cette révolte des princes, car derrière Condé il y a Gaston d’Orléans, ambigu et hypocrite, Conti, le duc de Longueville et le cardinal de Retz, prince de Gondi.
Louis doit montrer qu’il exerce ses pouvoirs de roi contre tous ceux qui le défient, qui ont en sa présence une attitude inconvenante.
Lors d’un bal, son frère Philippe trébuche, gifle la fille de Mme de Beauvais, la « borgnesse », l’initiatrice, qui a osé éclater de rire.
— Qu’on le fouette ! lance Louis.
Peu importe l’étonnement, l’indignation même que provoque cet ordre qu’il répète :
— Qu’on le fouette !
Et il voudrait bien infliger ce châtiment à Condé.
Il fait mettre à prix la tête de ces rebelles et de ceux qui le suivent. Et parmi eux il y a maintenant ouvertement Gaston d’Orléans et de nombreux seigneurs qui lèvent des troupes, s’allient à l’oncle du roi. N’est-il pas lui
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