Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
de tous les spectacles ?
Et il sait qu’il ne peut jamais sortir de scène.
On ne le quitte pas des yeux, quand il parcourt les couloirs du Louvre, ou bien qu’il écoute le père Paulin lui annoncer que le pape Innocent X vient de faire parvenir une bulle contenant condamnation des croyances de certains chrétiens, telles qu’elles s’expriment dans un livre, l’ Augustinus.
Il ne le lira pas. Il veut l’ordre dans le royaume et la soumission. Et si les propositions contenues dans ce livre sont jugées par le pape hérétiques, impies, blasphématoires, injurieuses, ces chrétiens doivent être condamnés.
Il donne donc l’ordre que la bulle soit diffusée dans tout le royaume, afin que chaque évêque s’en saisisse.
Il a subi la Fronde. Il ne veut plus de rébellion.
Mais il n’est pas encore le maître. Il est Soleil et César, mais l’instigateur, c’est Mazarin. Et Louis continue de subir, fasciné et irrité, soumis mais déterminé à montrer, en dépit de cette obéissance, qu’il est le roi.
Il veut se mettre à la tête de l’armée que Turenne conduit en Picardie pour faire face aux troupes espagnoles commandées par le prince de Condé, qui s’est enfoncé chaque jour davantage dans le reniement de son roi.
Ce traître a obtenu la capitulation de Rocroi.
Louis est là, chevauchant sur le front des troupes. La guerre est aussi un théâtre où il doit apparaître, acteur qui s’expose, ne tremble pas quand éclate une mousqueterie, ou que tombent les boulets.
Louis est au siège de Mouzon, plus tard à celui de Sainte-Menehould. Il obtient la reddition des rebelles. Et en Bourgogne comme en Guyenne, Bellegarde et Bordeaux ouvrent elles aussi leurs portes.
Mais le royaume est exsangue. Les mendiants sont la lèpre des campagnes et des villes. On en compte plus de soixante mille à Paris. Et les coffres du royaume sont vides, malgré les habiletés du surintendant Nicolas Fouquet.
Louis en est sûr : on prêtera au roi, s’il rétablit l’ordre dans le royaume et si ses sujets se rassemblent autour de lui.
Et pour cela il faut être vu, admiré. Être au centre du ballet, Soleil rayonnant, jeune, séduisant et majestueux.
Et il faut aussi châtier.
Le 21 décembre 1653, Louis se rend au Parlement.
Il dit d’une voix forte qu’il veut renouveler solennellement la condamnation à mort contre « Messire Louis de Bourbon, prince de Condé, atteint et convaincu de crimes de lèse-majesté, déchu du nom de Bourbon, de la qualité de premier prince du sang, et de toutes les prérogatives dues à sa naissance ».
Le Soleil brûle ceux qui refusent sa suprématie.
11.
Louis lève les bras devant le miroir.
Il murmure ce poème qu’il a lu au frontispice d’un texte qu’on vient de lui remettre et qui retrace le destin de Clovis et de la France chrétienne.
On verra par tout l’univers
Ce prince répandre sa gloire
Ce que Clovis est dans ces vers
Louis le fera dans l’histoire.
Il fait un pas de côté.
Il veut voir son profil, juger de ces vêtements qu’il portera le jour du sacre, à Reims, le dimanche 7 juin 1654.
Les tailleurs italiens s’empressent autour de lui, l’aident à retirer la robe de toile argentée qui recouvre la tunique de satin rouge et la chemise blanche.
Les mains des tailleurs volettent, légères et rapides. Elles ajustent les galons d’or. Elles fendent les vêtements pour permettre à l’évêque, lors de la cérémonie à la cathédrale, d’oindre sept fois le corps du roi avec l’huile sacrée, celle qui est contenue dans la sainte ampoule qu’une colombe apporta dans l’église Saint-Remi de Reims où, depuis ce jour du sacre de Clovis, elle est conservée.
Louis baisse les bras. Il sera dans quelques semaines, comme Clovis le premier roi de France, l’« oint du Seigneur ».
Il pense à chaque instant à ce moment où il sera uni à Dieu et au royaume, à l’Église et au peuple.
Il s’assied.
Les tailleurs posent sur sa tête la toque de velours noir rehaussée d’une aigrette blanche, enrichie d’une rangée de diamants, qu’il portera avant de recevoir la couronne de Charlemagne et de tenir le sceptre et la main de justice.
Tout à coup il s’impatiente, se lève brusquement. Il lui semble que ce temps n’avance pas.
Il sort de ses appartements, se calme, parcourt d’un pas lent les couloirs. On s’incline, on s’écarte devant lui. Il entre chez sa mère. Il reste près d’elle. Il
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