Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
choisi.
N’a-t-on pas remporté la victoire d’Arras le jour de la Saint-Louis, le 25 août ?
N’est-ce pas un signe ?
Il regarde avec mépris ceux qui, parce qu’une éclipse de soleil doit se produire, prétendent qu’elle annonce pour 1656 la fin des temps !
Dieu voudrait-il que le règne soit interrompu alors que c’est encore Mazarin qui gouverne et qu’il faut se soumettre à lui, attendre sa mort, pour enfin tenir les rênes ?
Tout à coup, c’est la nuit, le silence, le froid. L’éclipse se déroule comme prévu. Louis a un instant de doute, puis la lumière revient presque aussitôt avec la chaleur et les chants d’oiseaux. Il n’a pas eu le temps d’être inquiet. Il se dirige vers ces jeunes femmes qui, dans les couloirs du Louvre, l’attendent pour le saluer.
Qui peut ternir la gloire d’Apollon, du Roi-Soleil ?
13.
Il a dix-sept ans.
Il aime à se regarder dans les yeux des femmes.
Il entre dans la chambre de sa mère pour souper. Il surprend les conversations des jeunes suivantes, qui peut-être parlent trop fort pour qu’il entende ce qu’elles disent, qu’il est « fier et agréable avec l’air haut et relevé, mais quelque chose de fort doux et de majestueux dans le visage ».
Elles rient. Elles font mine de ne pas l’avoir vu s’approcher. L’une ajoute qu’« il a les plus beaux cheveux du monde en leur couleur et en la manière dont ils sont frisés ». Elles approuvent toutes et, dans le froissement de leurs robes, quelqu’une dit :
« Il a les jambes belles, le port haut et bien planté, enfin, à tout prendre, c’est le plus bel homme et le mieux fait du royaume et assurément de tous les autres. » Et une voix frémissante, aiguë, conclut : « Il danse divinement bien. »
Elles s’éloignent puisqu’il va souper en tête à tête avec la reine, mais il sait qu’elles l’attendent dans les salons voisins, et il les retrouve aussitôt qu’il le peut.
Il y a, assises en rond, les nièces de Son Éminence, les jeunes Mancini ou Martinozzi, celles dont on dit, parmi les courtisans :
Les Mancini, les Martinosses
Illustres matières de noces !
Mais peu importe. Certaines d’ailleurs sont déjà mariées, l’une au prince de Conti, l’autre au duc de Mercœur, mais qui oserait empêcher le roi de séduire Anne-Marie ou Laure, de chevaucher avec elles pendant de longues chasses, ou bien de trouver du piquant à Olympe et de la choisir pour partenaire, à chaque danse.
Et il sourit aussi aux toutes jeunes filles, Marie Mancini, Hortense sa sœur, qui viennent à peine d’arriver d’Italie, de Rome ou de Modène.
Il prend place à côté d’elles. Il aime le frôlement des corps et des tissus de soie.
D’un geste, il invite les vingt-quatre violons que dirige Lully, le Florentin, à commencer à jouer.
Il se lève. Il danse, entraînant Olympe, ou bien quelquefois seul, répétant les figures de ce Ballet des Plaisirs et Délices de la Ville et de la Campagne. Il y incarne le génie de la danse. On y dit :
Place à ce demi-dieu qui triomphe aujourd’hui,
Ses charmes déployés vont être en évidence,
Qu’on ne s’y trompe point : il est bon que celui
Qui ne se sent point juste ait un peu de prudence,
Et malheur à qui ne danse
De cadence avecque lui !
Et Louis ne se lasse pas de danser, d’être applaudi, de sentir dans les regards l’admiration et la soumission. Mais il accepte aussi qu’Isaac de Benserade ait écrit :
C’est l’ordre que vos jeunes ans
S’attachent aux sujets plaisants
Et qu’ils ne demandent qu’à rire
Mais ne soyez point emporté
Évitez la débauche, Sire
Passe pour la fragilité.
Il n’est ni censeur ni régent
Qui ne soit assez indulgent
Aux vœux d’une jeunesse extrême
Et pour embellir votre cœur
Qui ne trouve excusable même
Que vous ayez un peu d’amour
Mais d’en user comme cela
Et de courir par-ci par-là
Sans vous arrêter à quelqu’une
Que tout vous soit bon tout égal
La blonde autant que la brune
Ha ! Sire, c’est un fort grand mal.
Il apprécie cette impertinence, cette liberté de ton qui s’associe à l’admiration, au respect, à la soumission. Mais rien ne pourra lui interdire d’aller d’une blonde à une brune.
Il se rassied dans le cercle des femmes, auprès d’Olympe qui se penche vers lui, laisse voir la naissance de ses seins. Il lui prend la main, mais elle la retire. Voilà des semaines qu’elle se dérobe,
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