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Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil

Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil

Titel: Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ancienne nourrice qui vient de le prévenir. Il entre dans la chambre mortuaire.
    Il regarde ce visage gris, ce corps raidi. Il devrait ne pas pleurer et cependant les larmes coulent. Il baisse la tête pour les dissimuler aux maréchaux Villeroy, Gramont et Noailles qui se tiennent près de lui, et aux gardes du cardinal qui font la haie dans les couloirs et les salles du château.
    Il croise les nièces et le neveu, Hortense, Marie et Philippe.
    Il ne veut manifester aucune émotion et n’échanger aucun regard avec Marie. Il est le roi.
    Plus tard, on lui rapporte que Philippe Mancini a dit à Marie : «  Pure è crepatu.  » « Enfin il a crevé. »
    Louis rentre au Louvre.
    Il apprend qu’à l’annonce de la mort de Son Éminence, on a chanté dans les rues :
    Ici dessous gît Mazarin
    Qui, plus adroit qu’un Tabarin
    Par ses ruses dupa la France
    Il eût éternisé son sort
    Si par finesse ou par finance
    Il avait pu duper la mort.
    Enfin s’il est vrai ce qu’on dit
    L’avarice eut tant de crédit
    Dessus ce cœur insatiable
    Qu’afin d’acquérir plus de bien
    S’il n’eût donné son âme au diable
    Il n’aurait jamais donné rien.
    D’un geste il ordonne aux gentilshommes qui l’ont suivi de le laisser seul.
    Il veut leur cacher l’inquiétude qui tout à coup l’étreint.
    Ces chansons de rue, ces « mazarinades », cette haine qui ne respecte même pas la mort lui rappellent les temps terribles de la Fronde. Et celui qui gouverne doit être capable d’affronter la violence, la rébellion, l’ingratitude des hommes.
    Et maintenant que Son Éminence a disparu, c’est à lui de gouverner.
    Il le désire depuis si longtemps.
    Et il faut que, dès demain, tous comprennent qu’il est désormais le maître unique de ce royaume.
    Et « en l’état des choses, les hommes étant ce qu’ils sont », un peu de sévérité est la plus grande douceur qu’il puisse avoir pour ses peuples.
    « Car aussitôt qu’un roi se relâche sur ce qu’il a commandé, l’autorité périt et la paix avec elle. »

TROISIÈME PARTIE 1661-1666
     

23.
     
    Louis s’avance.
    Il a convoqué pour ce 10 mars 1661, à sept heures au château de Vincennes, un Conseil du roi.
    Sa voix n’a pas tremblé quand il a dit à sa mère qu’il ne voulait plus qu’elle siège à ses côtés. Et lorsqu’il a appris qu’elle s’était adressée à un secrétaire d’État, il a lancé d’une voix dure :
    — Madame, ne faites plus de choses pareilles sans m’en parler.
    Il n’a pas baissé les yeux, quand elle lui a répondu qu’elle était « outrée de douleur ».
    Il a souhaité qu’elle confie sa déception à ses suivantes, qu’elle pleure, qu’elle dise que son fils, le roi, l’ingrat, l’a humiliée.
    Ainsi l’on saura ce qu’il veut.
    Il s’arrête devant un officier qui, dans le corridor du château qui mène à la salle du Conseil, a le visage empreint de tristesse et de désarroi.
    — Console-toi, dit Louis, et me sers bien, tu as retrouvé un bon maître.
    Il regarde autour de lui ces soldats, ces gentilshommes. Il faut que tous sachent.
    Il est né roi pour être roi.
    Toute la nuit, il a médité ce que cela signifiait.
    « Tous les yeux sont attachés au roi, c’est à lui que s’adressent tous les vœux. C’est lui seul qui reçoit les respects, lui seul qui est l’objet de toutes les espérances. On n’attend, on ne fait rien que par lui seul. Tout le reste est rampant, tout le reste est impuissant, tout le reste est stérile. Le roi qui est né pour posséder tout et pour commander à tout ne doit être assujetti qu’à Dieu… La volonté du roi est que quiconque est né sujet obéisse sans discernement. Il n’est point de maxime plus établie par le christianisme que cette humble soumission des sujets envers celui qui leur est préposé. »
    Tôt ce matin, il a dicté à son secrétaire ces quelques lignes, puis ce que dans les jours précédant sa mort Son Éminence lui avait répété, lui murmurant qu’il s’agissait là de son testament politique. Il fallait maintenir l’Église et la noblesse dans tous leurs droits, veiller à ceux de la magistrature tout en empêchant les parlementaires et les juges de s’émanciper, enfin soulager le peuple de ses charges souvent trop lourdes.
    Il s’est souvent interrompu, ému de ces pensées de Mazarin qui survivaient à la mort.
    « Je dois bien prendre garde, dicte-t-il, que chacun soit persuadé que je suis

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