Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
le maître, qu’on ne doit attendre les grâces que de moi seul, et surtout ne les distribuer qu’à ceux qui les méritent par leurs services, par leur capacité et leur attachement à ma seule personne…»
Il entre dans la salle du Conseil.
Il se découvre, regardant l’un après l’autre les huit hommes qui lui font face.
Tous, le chancelier Séguier, le surintendant Fouquet, Hugues de Lionne, Michel Le Tellier, La Vrillière, Duplessis-Guénégaud, Loménie de Brienne et son fils l’observent. Il devine leur curiosité anxieuse.
Il remet son chapeau, et se tient debout devant sa chaise.
— Messieurs, dit-il, je vous ai fait assembler pour vous dire que jusqu’à présent j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal. Il est temps que je les gouverne moi-même. Vous m’aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai.
Il martèle :
— Ne rien sceller, ne rien signer, pas une sauvegarde, pas un passeport sans mon ordre.
Il fixe Fouquet :
— Et vous, monsieur le surintendant, je vous ai expliqué mes volontés, je vous prie de vous servir de Colbert, que feu M. le cardinal m’a recommandé.
Il se tait sans quitter Nicolas Fouquet des yeux.
Celui-là dont le blason est l’écureuil, dont l’ambition est insatiable, qui veut monter toujours plus haut, il faut le contenir, l’affaiblir, le briser. Les armes de Colbert sont d’or à la couleuvre d’azur. Ce serpent doit l’emporter sur l’écureuil.
Il continue à rester silencieux, et il sent avec plaisir monter l’inquiétude de ces hommes.
Ils ne sont pas de haute noblesse. Ils auront besoin de servir le roi, et les peuples comprendront que, avec ceux-là, l’autorité n’est pas partagée, que ces ministres sont des serviteurs, et qu’ils dépendent en tout du roi.
Il n’a pas cessé de fixer Nicolas Fouquet.
Il va demander à Colbert d’établir un état des finances, de faire l’inventaire de la fortune de Mazarin, qu’on estime à trente-deux millions de livres dont huit millions sept cent mille en liquide.
Il jugera Colbert, sa fidélité, sur ces premiers actes. On le surnomme « le Nord » ou « l’Homme de marbre ». Il faut qu’il soit aussi un serpent venimeux, empoisonnant tous ceux qui menacent le roi ou ternissent sa gloire.
— La face du théâtre change, reprend Louis. J’aurai d’autres principes dans le gouvernement de mon État, dans la régie de mes finances et dans les négociations au-dehors que n’avait feu M. le cardinal.
Il fait un pas en arrière.
— Vous savez mes volontés. C’est à vous maintenant, messieurs, à les exécuter.
Ils viennent à lui, soumis déjà.
Voici Nicolas Fouquet, qui reconnaît qu’en effet il y a eu des désordres dans les finances, qu’il a dû souvent ne pas respecter les règles parce qu’il y avait urgence. La guerre contre l’Espagne dévorait l’or.
Louis se tait.
Il se souvient des phrases du rapport que Colbert lui a déjà remis.
« Fouquet a voulu mettre ses créatures dans toutes les charges de la Cour et de la robe, écrit Colbert, et pour cet effet il a donné une partie du prix de toutes celles qui ont été à vendre et qui n’étaient pas remplies de gens à lui. »
Il a des affidés partout. Il est du parti dévot, conspire peut-être avec ceux de la Compagnie du Saint-Sacrement que Mazarin avait dissoute, mais qui survit dans l’ombre. Il paie même les pensions de la reine mère, et de tous ceux qui approchent le roi, femmes ou confesseurs. Il a fortifié Belle-Isle, il y dispose d’une garnison, de quatre cents canons, de navires. Les armes et les munitions sont achetées en Hollande. Et Fouquet cherche à faire nommer l’un de ses proches amiral des galères de la Méditerranée.
Fouquet, en outre, est à la tête du plus grand parti de financiers. Il entretient écrivains, peintres et femmes. Et l’on murmure que, craignant il y a quelques années de tomber en disgrâce, il a préparé contre Mazarin un plan d’action, une fronde, prête à soulever les provinces contre Son Éminence.
Et maintenant il fait repentance, promet de gérer les finances au mieux des intérêts du roi, d’en finir avec les désordres.
Il faut écouter Fouquet, le rassurer.
Fouquet parle de son château de Vaux-le-Vicomte, qu’il met à la disposition du roi. Il souhaite, dans quelques mois, quand tout sera prêt, y accueillir Sa Majesté, dont il sollicite une fois encore le pardon.
Il faut le
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