Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Fouquet et on exigera la reddition de Belle-Isle.
Louis veut que cette arrestation ait lieu le 5 septembre, jour de son anniversaire. Puis la charge de surintendant des Finances sera supprimée et remplacée par un Conseil royal des finances.
Les peuples du royaume comprendront alors que le roi est bien le maître.
Louis vit ces événements dans une sorte d’exaltation intérieure dont il ne laisse rien paraître.
Mais il a besoin de se confier. Il prend la plume, au soir de ce 5 septembre. Il a vingt-trois ans.
« J’avais témoigné que je voulais aller ce matin à la chasse et, sous ce prétexte, j’ai fait préparer mes carrosses et monter à cheval mes mousquetaires.
« Ce matin, le surintendant étant venu travailler avec moi comme à l’accoutumée, je l’ai entretenu tantôt d'une manière, tantôt d’une autre et ai fait semblant de chercher des papiers jusqu’à ce que j’aie aperçu par la fenêtre de mon cabinet d’Artagnan dans la cour du château et alors j’ai laissé aller ce surintendant…»
Il s’interrompt, se remémore cette matinée.
« Vous savez qu’il y a longtemps que je l’avais sur le cœur, poursuit-il. Je leur ai déclaré que je ne voulais plus de surintendant mais travailler moi-même aux finances avec des personnes fidèles qui agissent sous moi… J'ai déjà goûté le plaisir qu’il y a de travailler soi-même aux finances, ayant, dans le peu d’application que j’y donne cet après-dîner, remarqué des choses importantes dans lesquelles je ne voyais goutte et l’on ne doit pas douter que je continue. »
Il pense à la pâleur, à la peur qu’il a vues sur le visage de certains de ses ministres. Il ajoute :
« Il y en eut de bien penauds mais je suis bien aise qu’ils voient que je ne suis pas si dupe qu’ils s’étaient imaginé et que le meilleur parti est de s’attacher à moi. »
26.
Maintenant, il est en tout et partout le roi Louis le Grand.
Il regarde les ministres.
Ils sont debout. Il est assis. Il a choisi celui d’entre eux qui va rester auprès de lui, quand la séance du Conseil d’État, ce Conseil-d’en-Haut qui se réunit le mercredi, le jeudi, le dimanche de chaque semaine, et le lundi tous les quinze jours, sera terminée.
Il observe Le Tellier et son fils Louvois, Hugues de Lionne et Colbert. Ils attendent. Ils espèrent. Ils n’osent lever les yeux. Ils savent que celui qui sera choisi peut ne plus l’être durant des semaines. La faveur du roi varie. Il distingue qui bon lui semble.
C’est ainsi qu’il faut gouverner.
Il faut abaisser l’orgueil des grands. Ils doivent comprendre qu’ils ne sont dans la lumière que parce que le rayonnement du roi les éclaire. Et il en va ainsi pour tous ceux qui siègent au Conseil-d’en-Haut ou à celui des Dépêches, au Conseil royal ou au Conseil privé. Et les secrétaires d’État doivent eux aussi être suspendus à la décision du roi.
Il doit la garder secrète jusqu’à ce qu’il l’énonce.
Et il ne peut se permettre de montrer ses hésitations ou ses doutes. Il est au centre de la scène. Sa vie est un spectacle dont il est l’acteur unique, que ses sujets ne quittent pas des yeux.
Les courtisans sont présents alors qu’il s’habille, dans les minutes qui suivent son réveil. Ils assistent à son déjeuner, à son dîner, à son souper, à son coucher. Il les reçoit assis sur sa chaise percée.
Les ministres lui soumettent leurs rapports, les secrétaires d’État les dépêches. La reine et les princes du sang sont à côté de lui durant la messe.
Louis ne souffre pas de la répétition quotidienne des mêmes actes. Il peut la briser à son gré, être seul. Il est le maître des horloges. Il disposera dans les lieux qu’il aura choisis les mêmes hommes toujours prêts à le servir.
Alors, certains jours il quitte le château de Fontainebleau où la Cour continue de résider et il chevauche, à bride abattue, suivi par une compagnie de ses mousquetaires. Il va jusqu’à Vincennes, puis il se rend à Paris et à Saint-Cloud.
Il entre en roi dans le château de Philippe. Monsieur lui offre une grande et splendide chère. Henriette, son épouse, boude un peu. Elle est jalouse de Mlle de La Vallière.
Il reste impassible, malgré ses reproches voilés. Il remonte en selle, rejoignant Versailles, le petit pavillon de chasse d’une vingtaine de chambres et d’un dortoir que son père avait fait construire. Chaque fois que Louis y
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