Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
d’abord, insiste Colbert, que le surintendant des Finances vende sa charge de procureur général au parlement de Paris. Colbert se charge de l’en convaincre.
Au début du mois d’août, c’est fait. Fouquet a même décidé de remettre au roi la somme qu’il a reçue de l’acheteur de sa charge, Achille de Harlay.
— Tout va bien, murmure Louis, Fouquet s’enferre lui-même.
Que Colbert dresse le plan de l’arrestation.
On préparera, explique Colbert quelques jours plus tard, un carrosse grillagé. Des mousquetaires arrêteront le surintendant, et l’escorteront jusqu’à sa prison. D’autres mettront les scellés sur chacune de ses demeures qui seront fouillées.
Reste à fixer le lieu et le moment.
Sera-ce au château de Vaux, où Fouquet vient de convier toute la Cour et le roi à une grande fête le 17 août ?
Il faut accepter, c’est peut-être l’occasion.
Louis quitte le château de Fontainebleau au début de l’après-midi, dans son carrosse tiré par six chevaux blancs. Il regarde les mousquetaires et les gardes du corps qui chevauchent, entourant le carrosse royal et ceux des princes du sang et des courtisans qui forment un long cortège. Louis hésite, puis il confie à sa mère son intention.
Elle le met en garde.
— Ah ! mon fils, cette action ne vous fera guère honneur. Ce pauvre homme se ruine pour vous faire bonne chère et vous le feriez arrêter, prisonnier dans sa maison ?
Louis a un mouvement d’humeur, puis d’un geste il se rend aux raisons de la reine mère.
Un grand roi doit être patient.
Il est surpris par la munificence de la fête.
Il n’en a jamais donné d’aussi splendide.
Il traverse les jardins, les grandes salles remplies de statues, décorées de tapisseries et de tableaux, au côté de Fouquet, qui murmure qu’il est prêt à offrir le château au roi. Le surintendant a fait disposer sur la cheminée de la salle à manger un portrait du roi par Charles Le Brun. Il a fait préparer un appartement luxueux pour Sa Majesté. Il a demandé à Vatel, le plus grand cuisinier du temps, de concevoir et de servir un banquet somptueux pour les trois mille invités.
Dans le parc, il montre le grand théâtre de verdure, les fontaines, les eaux qui jaillissent des roches qui s’ouvrent tout à coup.
Louis ne peut parler tant la colère lui serre la gorge.
Il s’assied.
Il voit surgir d’une conque, au milieu de jets d’eau, Mlle Béjart de la troupe de Molière. Celui-ci a écrit une comédie-ballet, Les Fâcheux , et Mlle Béjart récite :
Si Louis l’ordonne
Les arbres parleront mieux que ceux de Dodone
Hôtesses de leurs trônes. Moindres divinités
C’est Louis qui le veut, sortez, nymphes, sortez !
Des silhouettes, nymphes, faunes, satyres, bondissent hors des bosquets, et dansent sur une musique de Lully.
Mlle Béjart poursuit :
Pour voir en ces beaux cieux le plus grand roi du monde
Je viens à vous mortels de ma grotte profonde.
Elle s’avance vers le roi :
Nous l’avons vu
Jeune, victorieux, sage, vaillant, auguste
Régler de ses États et ses propres désirs
Joindre aux nobles travaux les plus nobles plaisirs.
Louis reste impassible. Il a l’impression que son corps est devenu un bloc de pierre.
Il ne sourit pas à la représentation des Fâcheux. On s’y moque des courtisans.
Impudence de ce Fouquet.
Il ne lève pas la tête pour voir le feu d’artifice qui embrase tout le château et les collines alentour.
Il prend congé. Il ne dormira pas au château.
Il monte dans son carrosse. Tout à coup, de la lanterne du dôme du château jaillissent des fusées multicolores.
Il donne le signal du départ.
Il murmure à sa mère :
— Ah ! Madame, est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là ?
Il est temps d’agir.
Il ne supporte pas que l’on rapporte partout que, comme l’écrit ce fabuliste, La Fontaine :
Tout combattit à Vaux pour le plaisir du roi
Les musiques, les eaux, les lustres, les étoiles.
Fouquet l’a défié et humilié, lui, Louis le Grand.
Il voit Colbert. On arrêtera Fouquet à Nantes, où se tiennent les états de Bretagne que le roi doit présider.
C’est Charles d’Artagnan, le lieutenant des mousquetaires, un fidèle de Mazarin, qui procédera à l’arrestation. On conduira ensuite Fouquet jusqu’au château d’Angers escorté par une centaine de mousquetaires. L’affaire doit être aisée à conclure. On se saisira des complices de
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