Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
brouiller avec le roi d’Angleterre. Allez vous remettre à table et qu’on me garde seulement un peu de fruits.
Il ne peut accepter qu’on humilie l’ambassadeur qui le représente. Ceux-là s’abusent lourdement qui s’imaginent que ce ne sont là que des affaires de cérémonie. Les peuples sur lesquels le roi règne, ne pouvant pénétrer le fond des choses, règlent leurs jugements sur ce qu’ils voient et c’est le plus souvent sur les préséances et les rangs qu’ils mesurent leur respect et leur obéissance.
Il doit être Louis le Grand, celui qu’on ne peut ni confondre, ni comparer à d’autres, ni surpasser. Et l’on ne peut sans faire tort à tout le corps de l’État ôter à son chef les moindres marques de la supériorité qui le distingue.
Il veut des excuses solennelles de l’Espagne !
Qu’on rappelle les ambassadeurs de France à Madrid et à Londres et qu’on expulse de Paris celui d’Espagne.
Il a le sentiment que cette colère, ces décisions, et toutes celles que, depuis la mort de Mazarin, il a dû prendre lui ont donné une force et une plénitude qu’il ne connaissait pas.
Il lui semble que seule sa volonté peut limiter son pouvoir qui reste cependant entre les mains de Dieu. Mais il est sûr de la bienveillance divine, et son énergie en est décuplée.
Il n’a jamais eu un tel appétit, il dévore dès le matin des viandes, des poissons, des fruits.
Il chasse et chevauche des heures sans ressentir la fatigue, puis il revêt ses habits de soie enrubannés et il danse, souple et léger.
Il aime tant ce divertissement qu’il décide de créer une Académie royale de danse, et il nomme Lully surintendant de la musique du roi.
Il entraîne Louise de La Vallière dans ses virevoltes, elle est sa partenaire dans les ballets qu’il danse devant la Cour. Il aime son corps jeune qu’il serre entre ses bras, souvent plusieurs fois chaque jour, et il n’est pas insensible à l’attrait de l’une ou l’autre des suivantes de la reine ou de Madame, Henriette, l’épouse de son frère.
Mais le plaisir qu’il se donne ne lui fait jamais négliger de présider les Conseils avec une autorité qui s’impose à tous.
Il étudie seul les rapports, ou bien il reçoit en tête à tête le ministre qui veut lui soumettre une affaire particulière. Il écoute, c’est le roi qui décide. Et chaque jour de Conseil en « liasse » – ces tête-à-tête – il consacre plusieurs heures à son ouvrage de roi, à l’examen de la recette et de la dépense de son État, se faisant rendre compte directement par ceux qu’il met dans les emplois importants, mais veillant à tenir ses affaires secrètes.
À lui de trancher, toujours.
Il est sûr que « nul autre ne peut le faire mieux que lui, car la décision a besoin d’un esprit de maître, et il est sans comparaison plus facile de faire ce que l’on est, que d’imiter ce que l’on n’est pas ».
Il ne s’est jamais senti autant roi de France, Louis le Grand, que lorsque dans la nuit du 1 er novembre de cette année 1661, celle de ses vingt-trois ans, les médecins viennent lui annoncer que la reine Marie-Thérèse ressent les premières douleurs.
Il veut que ce soit un fils.
Il reste près de la reine qui hurle, tant les souffrances sont intenses, et l’accouchement long.
Il se rend à la chapelle pour prier et communier.
Et à midi, le dauphin, Louis de France, naît.
Louis éprouve un sentiment de joie et d’orgueil.
La naissance de ce fils, c’est comme une preuve de plus qu’il est roi. Il va se rendre en pèlerinage à Chartres pour célébrer l’union du royaume de France, de son roi et de l’Église de Dieu.
Il est heureux comme il ne l’a jamais été.
Et il va partager son bonheur, cette assurance qui est en lui, avec Louise de La Vallière.
Un roi n’a de comptes à présenter qu’à Dieu.
27.
Louis tout à coup s’inquiète, s’assombrit.
Il relit cette Requête des pauvres de Paris qu’on vient de lui adresser.
« Sire, les pauvres de Paris sont en très grand nombre et très grande nécessité. Ils supplient Votre Majesté d'avoir pitié d’eux. Leur misère est parvenue à son comble. Ils ont souffert mille maux avant de recourir à Votre Majesté… Les charités des paroisses, Sire, ne peuvent plus les assister, étant surchargées de malades, d’invalides et d’orphelins. Les hôpitaux sont si pleins qu’ils n’en peuvent plus recevoir… Où
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