Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
pénètre, l’émotion le gagne. Il se remémore cet homme, ce roi, son père qu’il a si peu et si mal connu.
Puis, à la nuit tombée, après avoir pour la troisième fois changé de cheval, il rentre à Fontainebleau :
Ayant fait à n’en mentir pas
Plus de cent douze mille pas
À compter trois mille pour lieue
Et c’est ce me semble ma foi
Assez bien courir pour un roi,
écrit un gazetier que Louis lit avec plaisir. Qui est meilleur et plus endurant cavalier que lui ?
Louis, le jour suivant, chassera toute la journée dans la forêt de Fontainebleau en compagnie de Louise de La Vallière.
Il apprécie qu’elle soit grande chasseresse, ses cheveux blonds dénoués tombant sur ses épaules.
Souvent, il retourne au pavillon de chasse de Versailles.
La table a été dressée. Les violons jouent, le bal commence. N’y participent que quelques courtisans privilégiés. On a quitté les habits de chasse, on s’est enrubanné, on porte des collerettes de dentelles aux tons pastel, les vêtements sont de satin et de soie.
Les valets attisent le feu dans les cheminées, disposent les grands candélabres.
Louis entend un courtisan qui murmure : « Voici le règne des amours », qui récite quelques lignes d’un roman de Mlle de Scudéry.
Louis entraîne Louise de La Vallière dans l’une des chambres. Elle était vierge, et il a dû la forcer. Il aime qu’elle joue encore les jeunes filles effarouchées. Elle a à peine dix-huit ans. Et elle a pour lui des élans d’adolescente, une spontanéité qui le ravit et des timidités qui l’enchantent.
On rentre au château de Fontainebleau.
Louis s’isole. Il veut étudier certains dossiers, lire les projets de lettres que Colbert lui a préparés.
Il hésite à signer les demandes de prêts adressées à des financiers qui ont aidé Nicolas Fouquet à trouver de l’argent mais aussi à détourner ces fortunes qui ont servi à construire, à décorer le château de Vaux-le-Vicomte.
Louis appelle Colbert. Il veut que tout ce qui appartient à Fouquet, statues, tapis, meubles, tableaux, soit saisi, et placé dans les châteaux du roi. Quant aux artistes, Le Brun, Le Vau, Le Nôtre, ils seront désormais au service exclusif du roi.
Et naturellement, que l’on s’empare de l’argent liquide, des rentes.
Colbert s’incline. Il s’exécutera. Louis apprécie l’intelligence et la servilité aussi de cette « couleuvre ».
Colbert a donné des gages. Il a remis les millions de livres que Mazarin conservait en liquide et qui ainsi ne sont pas tombés dans l’escarcelle des héritiers du cardinal.
Cet homme-là est dévoué, habile, prudent.
Louis reprend la lettre que Colbert a rédigée. Elle est destinée au financier Hervart :
« Feu M. le cardinal m’ayant assuré les derniers jours de sa vie que je trouverais toujours dans votre bourse une assistance de deux ou trois millions de livres, toutes les fois que le bien de mon service m’obligerait d’apporter quelque changement dans l’administration de mes finances. À présent que j’ai été obligé de faire arrêter le surintendant, j’ai été bien aise de vous écrire ces lignes pour vous dire que vous me ferez le plaisir de me préparer soit par votre moyen, soit par celui de vos amis la plus grande somme que vous pourrez…»
Il signe puis lit la seconde lettre que lui présente Colbert. Elle est adressée à l’un des héritiers de Mazarin :
« J’aurai besoin de deux millions de livres que vous m’avez offert de me prêter. Je vous dépêche ce courrier exprès pour vous mander que vous me feriez plaisir de donner ordre à vos gens d’affaires de fournir cette somme à mesure que je jugerai à propos de m’en servir et suivant ce que je leur ordonnerai…»
Il ne doute pas qu’on lui verse cet argent. Il vient déjà d’obtenir un don de trois millions de livres des états de Bretagne.
Qui peut résister à la volonté d’un roi ?
Il dit à Colbert :
— Le roi se réserve la distribution entière et absolue des finances.
Il veut punir ceux qui ont créé à leur profit des désordres dans l’épargne. Il faut, dit-il, que soit constituée une Chambre de justice, qui jugera d’abord Nicolas Fouquet, puis ce parti des financiers qui l’ont aidé.
Qu’on recherche les coupables d’abus et de malversations, et ce depuis 1635 !
Il charge Colbert de nommer les magistrats qui auront à enquêter, à condamner. Il faudra écarter ceux qui
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