Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
hésitent, qui invoqueront l’absence de preuves.
Les juges doivent dire la vérité au roi.
Et non prendre en compte les arguments de Fouquet ou ceux de ses amis, ce parti des dévots, des lettrés, tels Mme de Sévigné, Mlle de Scudéry, La Fontaine, qui sont restés fidèles à celui qui les a flattés, honorés, payés.
Il faut que passe la justice du roi !
À punir les puissants, les sujets les plus humbles comprennent qu’il faut obéir et se soumettre.
Et le temps est venu de rétablir l’ordre dans le royaume.
Il le dit à Colbert :
— Je jette les yeux sur toutes les diverses parties de l’État, et non pas des yeux indifférents, et je vois que le désordre règne partout.
Là, près de Joigny, les villageois pillent des navires de sel qui remontent la rivière pour fournir la Bourgogne. Dans la région de Montauban, les peuples refusent de payer les tailles et ce rejet de l’impôt se propage en Auvergne, dans le pays d’Aunis.
Il lit les rapports des intendants qui signalent des séditions, à Dieppe, en Picardie, en Roussillon, à Metz, à La Rochelle. Dans cette dernière ville, on a écorché vif un fermier d’impôt. Dans le Boulonnais, on dénombre des rassemblements de six mille hommes, armés, furieux, qui refusent de payer l’impôt.
Il faut envoyer des troupes !
Il veut qu’on lui rende compte de leur action.
Il ne veut rien laisser apparaître de ses sentiments quand on lui rapporte que trente-six compagnies ont dispersé les rebelles, dont plusieurs centaines ont été tués ou blessés, quatre cents, faits prisonniers, ont été envoyés aux galères, et une douzaine pendus ou roués.
C’est le devoir du roi d’agir ainsi. Il est le lieutenant de Dieu sur la terre. Et c’est pour cela que le droit du roi est supérieur à celui de tous les autres.
Parfois, alors qu’il vient de quitter le Conseil et qu'il parcourt les couloirs du château de Fontainebleau, il s'interroge.
Il entre dans le théâtre où la troupe de Molière s’apprête à interpréter la dernière pièce du comédien, dont le titre, L’École des maris , fait déjà murmurer et sourire, parce que l’amour et la tromperie des époux sont le grand divertissement de la Cour.
Louis à cet instant pense à ces paysans rebelles, suppliciés ou envoyés aux galères.
Il a été tenté de les gracier, mais il a refoulé cette inclination, au nom de la raison.
Il doit punir pour que l’ordre règne. Il est le roi.
Dieu l’a choisi. Il n’a de comptes à rendre qu’à Lui.
Il rit à cette École des maris, qui rend morose Philippe d’Orléans. Monsieur doit avoir appris que son épouse Henriette le trompe avec le comte de Guiche dont il est épris et qui, tout en s’adonnant au vice italien, n’en aime pas moins les femmes et les séduit par sa beauté et son élégance.
Louis se félicite de la liaison de sa belle-sœur. Ainsi elle n’est plus à le guetter comme une femme jalouse, lui reprochant de l’avoir abandonnée pour Louise de La Vallière.
Il ne se lasse pas de cette jeune femme. Il s’impatiente quand les soupers avec la reine se prolongent et retardent le moment où il ira la rejoindre.
Un soir, vers onze heures, il voit s’avancer le comte de Brienne, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Celui-ci s’arrête, le visage grave, hésite à parler, à troubler le souper.
— Qu’y a-t-il de nouveau, Brienne ?
C’est un courrier de l’ambassadeur de France à Londres, M. d’Estrade. Il faut ordonner au secrétaire d’État de ne pas attendre la fin du souper, de raconter ce qui est survenu.
Louis s’emporte quand il apprend que l’ambassadeur d’Espagne, Watteville, a voulu lors de l’audience royale anglaise passer devant le représentant français, dont le carrosse a été immobilisé. Les domestiques de l’Espagnol, des bateliers de la Tamise, et un nombre infini de canailles ont attaqué les Français, imposé la préséance de l’Espagnol.
Louis se lève. Il est si irrité qu’il heurte la table qu’il manque de renverser.
Sa mère tente de le retenir, l’invite à terminer de souper.
— J’ai soupé, Madame, j’aurai raison de cette affaire ou je déclarerai la guerre au roi d’Espagne.
Il entraîne Brienne, sans un regard pour sa mère qui pleure, murmure que le roi d’Espagne est son frère.
— Ne rompez pas la paix qui m’a coûté tant de larmes, dit-elle.
Louis lance :
— Laissez-moi, Madame ! On veut me
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