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Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil

Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil

Titel: Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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iront donc les pauvres de Paris ? Ils sont condamnés à mourir de faim…»
    Dans presque tous les rapports qu’envoient les intendants, Louis lit les mêmes mots.
    La Touraine, la Normandie, le pays de Blois, le Boulonnais connaissent la famine. La chaleur puis des pluies torrentielles ont dévasté les récoltes. Le prix du blé s’envole. Les paysans se nourrissent d’herbes et disputent aux loups les cadavres d’animaux. Les épidémies accompagnent la faim.
    Un médecin écrit : « Je viens d’apprendre qu'on a trouvé à Cheverny un enfant qui s’était mangé les mains. »
    Et des paysans affamés refusent de payer l’impôt. La révolte des « Lustucru » rassemble jusqu’à six mille hommes dans le Boulonnais. On en tue quatre cents. On en pend. On en roue. On en condamne des centaines aux galères.
    Louis s’interroge.
    Pourquoi ces calamités ?
    Et si le bonheur qu’il vit, le plaisir qu’il éprouve à danser, à jouir du corps de Louise de La Vallière, Dieu les trouvait trop grands, les condamnait même ?
    Dieu afflige peut-être le royaume pour avertir son roi, tempérer les biens par les maux, balancer les grandes et heureuses espérances de l’avenir par l’infortune présente ?
    Et pourtant, Louis ne l’oublie pas, un roi doit considérer le bien de ses sujets, bien plus que le sien propre.
    Ses sujets font partie de lui-même. « Je suis la tête d’un corps dont ils sont les membres. »
    Si la gangrène, la famine et la misère détruisent les parties du corps, alors la tête sera elle aussi malade.
    Il donne l’ordre qu’on achète du blé en Bretagne, en Guyenne, dans ces provinces que les intempéries ont épargnées.
    — C’est une chose que j’ai extrêmement à cœur, dit-il. Je veux être obéi sans autre réplique ni délai.
    Il demande à Colbert qu’un édit oblige chaque ville et bourg du royaume à créer un hôpital pour les pauvres, les malades et les orphelins.
    Mais rien n’y fait, la famine et les maladies s’aggravent.
    Colbert, à mi-voix, indique que les pauvres font partout entendre leurs plaintes et leurs murmures, que les épidémies menacent tout l’État et risquent de s’étendre aux personnes de la plus haute qualité.
    — Tout cela cause, par toute la France, une désolation qu’il est difficile d’exprimer, conclut Colbert.
    Que demande donc Dieu ? murmure Louis.
    Il regarde monter en chaire, dans la chapelle du palais du Louvre, Bossuet, ce prédicateur au teint pâle, au regard fiévreux, dont on murmure qu’il est du parti dévot.
    Il faut rester impassible, subir la leçon que donne d’une voix forte et bras tendu l’homme de Dieu.
    « Pour éviter les cris de reproche que feront contre vous les pauvres, écoutez les cris de la misère, Sire… commence Bossuet. Dieu semblait s’être apaisé en donnant la paix à son peuple, mais nos péchés ont rallumé sa juste fureur. Il nous a donné la paix et lui-même nous fait la guerre ! Il a envoyé contre nous, pour punir notre ingratitude, la maladie, la mortalité, la disette extrême, une intempérie étonnante, je ne sais quoi de déréglé dans toute la nature qui semble nous menacer de quelques suites funestes, si nous n’apaisons pas sa colère. »
    Louis veut avoir la rigidité d’une statue. Il est le roi. Il connaît le malheur de ses sujets.
    « Et dans les provinces éloignées, poursuit Bossuet, et même dans cette ville, au milieu de tant de plaisirs et de tant d’excès, une infinité de familles meurent de faim et de désespoir… Ô calamité de nos jours ! Quelle joie pouvons-nous avoir ? Ne nous semble-t-il pas qu’à chaque moment tant de cruelles extrémités que nous savons, que nous entendons de toutes parts nous reprochent devant Dieu et devant les hommes ce que nous donnons à nos sens, à notre curiosité, à notre luxe…»
    Que veut ce prêtre exalté ? Condamne-t-il ce que je vis ? Ce qu’un roi a le droit de vivre ?
    « Si l’on n’aide le prochain selon son pouvoir, continue Bossuet, on est coupable de sa mort, on rendra compte à Dieu de son sang, de son âme, de tous les excès où la fureur de la faim et du désespoir le précipite…»
    Faudrait-il laisser le désordre, la rébellion détruire le royaume ?
    « Sire, c’est tout ce qu’un sujet peut dire à Votre Majesté. Il faut dire le reste à Dieu…»

28.
     
    Louis ne veut plus entendre de sermon.
    Dieu est le seul juge du gouvernement des rois.
    À eux

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