Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
l’une de ces suivantes d’Henriette – Madame, l’épouse de Philippe duc d’Orléans – qui composent ce qu’à la Cour on appelle le « jardin », et où l’on va cueillir les plus belles fleurs.
Et Louis ne s’est pas privé de le faire. Mais l’espion ajoute que ce jardin, qui rassemble les plus belles filles de France, est un nid d’intrigues. On ne se contente pas de s’y moquer de Louise de La Vallière.
Le comte de Guiche, l’amant à la fois du duc d’Orléans et de Madame son épouse, aurait fait parvenir à la reine Marie-Thérèse une lettre révélant la liaison entre Louise de La Vallière et Sa Majesté. Heureusement la missive a été interceptée par une domestique de la reine.
La sœur d’Athénaïs de Montespan, Gabrielle de Rochechouart de Mortemart, marquise de Thianges, est une protégée – et peut-être davantage – de Philippe d’Orléans. Le marquis de Vivonne, le frère d’Athénaïs et de la marquise de Thianges, est un familier de la Grande Mademoiselle, la cousine du roi et de son frère Philippe d’Orléans. Olympe, la nièce de Mazarin devenue comtesse de Soissons, est la plus ardente à calomnier celle-ci ou celle-là, comme si elle ne se consolait pas de ne plus être l’une des favorites, maîtresse du roi.
Dans ce milieu où naissent toutes les rumeurs, chacun est aux aguets, craignant des pièges, des cabales et même le poison.
Louis se souvient de l’affolement de Louise de La Vallière lui racontant comment elle avait été réveillée en pleine nuit par le bruit d’une fenêtre que l’on tentait de forcer. Elle avait appelé ses domestiques qui avaient découvert une échelle de corde accrochée le long de la façade. Voulait-on la tuer ?
Aimer le roi et être aimée de lui est périlleux. Louis le sait.
Il demande à Colbert de faire surveiller la maison de Louise. Et il exige des domestiques de goûter la nourriture avant de la servir à leur maîtresse.
Louis se lève, va jusqu’à la fenêtre.
Il est indigné sans être surpris. Il se souvient de la Fronde, des conspirations, des trahisons, des dangers.
Est-ce pour cela qu’il ne sent en lui aucune crainte ? Il s’en remet à la volonté de Dieu.
Mais il a appris qu’il faut imposer sa volonté à tous, agir, combattre, punir, condamner les uns à l’exil, les autres aux galères, et les plus rebelles à la mort.
C’est devoir de roi.
Il ressent comme un défi le verdict prononcé par la Cour de justice après plus de trois ans d’enquête contre Nicolas Fouquet.
Les magistrats, et le premier d’entre eux, Olivier Lefèvre d’Ormesson, ont refusé de punir de mort ce surintendant qui jonglait avec les finances du royaume et qui s’était constitué une place forte à Belle-Isle. Ils ont prétendu qu’ils ne disposaient pas de preuves suffisantes pour choisir la peine capitale. Ils se sont donc contentés de celle du bannissement.
Louis questionne Colbert, plus pâle et plus sombre qu’à l’accoutumée.
Il a nommé Colbert surintendant et ordonnateur général des Bâtiments du roi. Il a confiance dans cette « couleuvre venimeuse », qui sait garder un secret, qui a choisi avec soin les magistrats qui auraient dû condamner Fouquet à mort, qui a placé parmi eux le chancelier Séguier, un courtisan toujours soucieux de plaire, de servir.
Mais ces hommes se sont dérobés, sans doute influencés par le parti dévot, par ce peuple de Paris qui au fur et à mesure que le temps passait prenait parti pour le surintendant, manière de se rebeller contre le pouvoir royal.
Et pour briser ce mouvement, pour affirmer qu’on ne peut s’opposer au roi, il faut sévir, exiler certains des magistrats, leur interdire de transmettre leur charge à leur fils, quant à Lefèvre d’Ormesson il ne sera ni conseiller d’État ni intendant ! Qu’il se retire sur ses terres et qu’on l’oublie.
On ne peut sans risque défier le roi.
Louis murmure :
— Si Fouquet avait été condamné à mort, je l’aurais laissé mourir.
Mais maintenant, l’exécution de Fouquet est impossible. Et cependant il faut aller au-delà de la sentence prononcée.
Être roi, c’est savoir punir, au nom de ce qu’on croit juste et bon pour le royaume. Et c’est le roi seul qui en est juge.
Qu’on exile les proches de Fouquet, dit Louis.
Après un silence, il ajoute qu’il veut que l’on condamne Fouquet à la détention à vie dans la forteresse de Pignerol. Qu’il soit
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