Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
empoisonneuses, pour faire jeter des mauvais sorts sur Louise de La Vallière, et qui sait se servir des astres, des drogues, afin de reconquérir l’amour du roi.
Louis ne veut pas connaître le détail de ces intrigues. Il a exilé le comte de Guiche, un autre hypocrite, l’amant d’Henriette d’Orléans, et chassé Olympe Mancini, comtesse de Soissons, de la Cour.
Et il défend Molière que les dévots et les bigots accusent d’impiété, d’athéisme même. Louis confirme qu’il veut que Molière soit le chef de la troupe des comédiens du roi. Il aime que cet acteur dénonce les travers des courtisans, se moque des médecins incapables. Et Louis veut que soit dansée cette comédie-ballet L’Amour médecin , qui les fustige et les ridiculise.
Mais il ne doit pas donner à croire qu’il approuve dom Juan, qu’il serait prêt à s’attabler pour un « festin de pierre » avec la statue d’un Commandeur.
Un roi doit garder la mesure. Ses actes sont observés par tous ses sujets.
Il doit éviter toute provocation, et c’est pour cela qu’il veille chaque jour, chaque nuit, à rendre hommage à la reine. Il supporte les bouffons, les nains, les fous que Marie-Thérèse appelle « mon cœur », « pauvre garçon », « mon fils » !
Il accepte que des dizaines de petits chiens enrubannés viennent japper, réclamant les reliefs de la table. Ils coûtent quatre mille écus par an !
Après souper, il conduit Marie-Thérèse à sa table de jeu.
Les apparences sont sauves. Ce n’est pas hypocrisie d’un Tartuffe ou d’un dom Juan, mais respect dû à l’épouse.
Mais si Marie-Thérèse boude, si elle veut lui imposer de rompre avec Louise de La Vallière, alors il faut qu’elle sache qu’il l’ignorera, que c’en sera fini entre eux de la courtoisie, des dîners et des soupers. Il ne lui jettera plus un seul regard. Et il sait qu’elle cédera, qu’elle acceptera qu’il aime ailleurs, et elle se contentera de sa déférence et de son attention.
Et il agit de même avec la reine mère qui veut elle aussi qu’il cesse d’aimer Louise de La Vallière.
Ne se souvient-elle pas des rumeurs qui couraient à son propos, de ses liaisons avec le duc de Buckingham, et même le cardinal de Mazarin ! Alors Anne d’Autriche peut menacer de se retirer au couvent du Val-de-Grâce, il ne renoncera pas.
— En quoi, Madame, doit-on tout croire ce que l’on dit, lui assène-t-il. Je n’imaginais pas que vous prêchiez, vous, cet évangile. Cependant, comme je n’ai pas glosé sur les affaires des autres, il me semble qu’on en devrait user de même pour les miennes.
Louis veut bien redire l’amour qu’il lui porte, fils attentionné. Et d’autant plus que la pâleur du teint d’Anne d’Autriche, ces nouvelles rides qui creusent son visage, les douleurs au sein dont elle se plaint, son humeur sombre, après que son frère le roi Philippe IV d’Espagne est mort, font pressentir à Louis la présence de la maladie.
Anne d’Autriche, apprenant le décès de Philippe, n’a-t-elle pas dit :
— Je le suivrai bientôt.
Louis est ému, mais il ne cède pas à sa mère.
Il voit chaque jour Louise de La Vallière. Elle est enceinte à nouveau et l’accouchement sera difficile. Et Louis ressent durement la mort de l’enfant qui décède encore plus vite que le premier-né.
Les rumeurs, grâce à Colbert qui a veillé sur toute l’affaire, ont été peu nombreuses et se sont vite dissipées, car Louise est revenue à la Cour, le jour même de ses couches, chancelante mais réussissant à danser, à sourire.
Il lui est reconnaissant de cette volonté, de cette fierté, mais il ne peut pas dépendre d’elle.
Il s’écarte d’elle, offre son bras à l’une des filles d’honneur de Marie-Thérèse dont le regard, les soupirs et le sourire disent qu’elle souhaite céder au roi.
Il n’est pas dom Juan, mais au nom de quoi, de qui, refuserait-il ce plaisir qu’on lui offre ?
Il le prend et, durant quelques nuits, il se rend chez cette jeune blonde, Anne-Lucie, qui lui abandonne son corps généreux.
Et puis on l’avertit que la jeune femme, qui lui adresse des lettres enflammées, les fait écrire, et qu’en fait on se sert d’elle pour l’éloigner de Louise de La Vallière.
Il faut toujours qu’il soit sur ses gardes.
Un roi, en abandonnant son cœur, doit demeurer maître absolu de son esprit, confie-t-il.
Et un jour de mars 1665, alors qu’il vient
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