Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
rester dans ces salles du château de Versailles dont la décoration n’est pas encore achevée.
Il faut accepter ces douleurs du ventre, ces migraines, ces nausées, cette sensation que le corps, habituellement souple et léger, est devenu cette masse dont la lourdeur paralyse.
Louis reste longuement assis sur sa chaise percée, recevant quelques gentilshommes mais soucieux aussi de ne pas montrer qu’il souffre, que la sueur coule sur son front.
Et impatient de recouvrer sa vigueur, pour se rendre auprès de Louise de La Vallière.
Enfin, il peut quitter Versailles où la maladie durant plusieurs semaines l’a retenu prisonnier.
Il a hâte de retrouver Louise dans cette petite maison à un étage située dans le jardin du Palais-Royal. Colbert l’a aménagée, organisant l’installation de la jeune femme, recrutant des domestiques discrets, veillant sur elle, rendant compte chaque jour de l’humeur de Louise.
Elle est, comme toujours, déchirée entre son amour et la crainte du châtiment de Dieu. Elle est la maîtresse, elle trompe la reine, elle a avec le roi cette liaison cachée, dont tous les courtisans connaissent l’existence et qu’il faut cependant dissimuler.
Louis manifeste son amitié et son attention, sa tendresse, il danse avec elle, elle est dans la chorégraphie des ballets, la femme aimée, la souveraine. Mais il impose le silence, il ne retrouve Louise que dans le secret, s’obligeant à partager chaque nuit avec la reine.
Souvent Louise l’a menacé de rompre, de se retirer dans un couvent. Une fois déjà elle a fui la Cour, et il a dû galoper jusqu’au couvent de la Visitation de Chaillot où après avoir chevauché seul il l’a retrouvée, allongée à même le sol de l’oratoire, secouée par les sanglots. Il a dû la rassurer, la serrer contre lui, l’arracher à ses craintes, au couvent.
En cette fin d’année 1663, il est inquiet et ému. Colbert vient de lui annoncer que Louise de La Vallière est enceinte. Louis connaît ce dicton qui vaut pour les princesses et les paysannes : « Femme grosse a un pied dans la fosse. »
Et il faudra cacher cette naissance, parce que les courtisans, les suivantes de la reine, guettent, surveillent Louise de La Vallière.
Colbert a pris toutes les dispositions nécessaires, pour que le nouveau-né soit retiré à sa mère, aussitôt, et confié à un couple d’anciens domestiques du ministre.
Le 18 décembre, Louis est assis au chevet de Louise de La Vallière dont le visage est creusé par l’effort, la souffrance déjà.
Louis voudrait rester près d’elle, mais il doit regagner le palais. Il sait que Louise de La Vallière a décidé, pour écarter tous les soupçons, que, l’accouchement à peine terminé, elle se rendra à la Cour, comme à l’habitude, qu’elle accomplira ses obligations.
Le chirurgien Boucher rassure Louis. Les douleurs ont commencé. L’accouchement aura lieu dans quelques heures.
Et Louis s’en va.
Le lendemain matin, un messager lui apporte la nouvelle. Un garçon est né. Il est fort. La mère est déjà sur pied.
Louis remercie Dieu de lui avoir donné la joie d’avoir un second enfant.
C’est un bâtard, mais il est fils de roi.
30.
Louis a vingt-sept ans.
Il est seul dans ses appartements du Louvre. Devant lui, sur la table, cette feuille où l’un des espions de Colbert a retranscrit les quelques vers ironiques qu’on récite à la Cour.
Il les relit. Il se sent gagné par l’amertume, la colère, qu’il s’efforce de maîtriser. Mais ces mots de méchanceté et de jalousie l’atteignent au moment même où il vient d’apprendre que le fils né de Louise de La Vallière, son bâtard royal, est déjà empoigné par la maladie, et que la mort s’avance vers lui alors qu’il vient à peine de naître.
Et l’on se moque de Louise.
Soyez boiteuse, ayez quinze ans
Pas de gorge, fort peu de sens
Des parents, Dieu le sait ! Faite-en fille neuve
Dans l’antichambre, vos enfants
Sur ma foi ! Vous aurez le premier d’amant
Et La Vallière en est la preuve.
L’espion a précisé que l’on murmure que l’auteur de cette vilenie se nomme Athénaïs de Montespan. Issue d’une des plus vieilles familles de la noblesse française liée aux Bourbons, les Rochechouart de Mortemart. Mariée à un noble gascon depuis une année, cette jeune femme aux cheveux blonds, danseuse accomplie, interprète quelques figures lors des ballets donnés à Versailles. Elle est
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