Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
ne peuvent avancer dans les provinces envahies par les eaux, qu’ils vivent sur le pays, que les Hollandais résistent, qu’un moment de gel a permis aux soldats du roi de progresser, mais la glace a rapidement fondu, et ils se sont noyés par centaines.
Louis apprend par les espions de Colbert ce que ne dit pas Louvois.
Les soldats du maréchal de Luxembourg brûlent les villages, pillent et violent. Ils ont massacré les habitants des bourgs de Swammerdam et de Bodegrave. Ces tueries, ces vols font naître la haine, l’inquiétude dans toutes les nations d’Europe. On craint le roi de France, on se ligue contre lui.
Colbert ajoute que les finances du royaume sont lourdement grevées par cette guerre, à laquelle il faudrait mettre fin, et à tout le moins ordonner que les consignes de Louvois d’avoir à ne pas se soucier du sort des Hollandais, de leur « bonne ou mauvaise humeur », soient tempérées.
Louis convoque Louvois. Il veut que de nouvelles instructions soient données au maréchal de Luxembourg.
Il les dicte, les relit.
« Le roi a été bien surpris de voir que le pays est encore au pillage et exposé à toutes les violences des soldats. Vous savez aussi bien que qui que ce soit que c’est un moyen de ruiner les troupes et le pays. Sa Majesté m’a commandé de vous faire savoir qu’Elle désire que vous y remédiez par quelque voie que ce soit, en sorte que les paysans de la campagne soient dans un aussi grand repos en payant leurs taxes qu’ils l’étaient du temps des Hollandais. »
Louis est inquiet.
Pomponne, d’une voix hésitante, lui apprend que l’Espagne et l’empereur du Saint Empire romain germanique, Léopold I er , se sont alliés à Guillaume d’Orange, que les troupes de celui-ci viennent de s’emparer de Charleroi, qu’elles s’enfoncent en France et espèrent se réunir aux soldats de Frédéric-Guillaume de Hohenzollern, l’électeur de Brandebourg.
Louis s’emporte. Il n’acceptera jamais la défaite. Il prend la tête des troupes qu’il peut rassembler et se dirige vers Saint-Quentin et Compiègne, assiégés par les soldats de Guillaume d’Orange.
C’est l’hiver, il fait froid, le soleil ne brille plus.
45.
Il n’aime pas cette saison grise et pluvieuse.
Il va d’un palais à l’autre, de Saint-Germain à Versailles, du Louvre à Chambord. La Cour le suit. Athénaïs de Montespan s’offre à lui chaque nuit, et il est toujours ébloui par sa beauté dorée, ce corps épanoui où son désir s’épuise et renaît.
Et cependant il ressent, dans ces premiers mois de 1673, une « furieuse inquiétude ».
Certes, les troupes de Guillaume d’Orange ont dû lever le siège de Saint-Quentin et de Compiègne. Et, en Westphalie, Turenne a fait reculer les troupes de l’électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume de Hohenzollern, et celles de l’empereur germanique. Frédéric-Guillaume a même envoyé des messagers pour ouvrir des négociations de paix. Si on lui verse quelques centaines de milliers de livres, il est prêt à se retirer de la guerre.
Mais Louis a le sentiment que la guerre s’enlise. La gloire se dérobe.
Colbert parle finances. Les caisses sont vides. Dans les provinces, l’argent a disparu. On ne paie plus, on échange, le troc a remplacé le commerce. Les recettes du royaume sont insuffisantes à couvrir les dépenses de guerre, les soldes à verser, les canons à acheter. Et de nouveaux ennemis apparaissent : la régente d’Espagne, le duc de Lorraine rejoignent les Hollandais et les Impériaux. Et l’Angleterre songe à rompre son alliance avec la France.
Hiver glacé. Louis a l’impression que la mort rôde dans les pièces des palais que les grands feux de cheminée ne réussissent pas à chauffer.
Il reçoit cette jeune comédienne, Armande Béjart, qu’il a vue sur scène aux côtés de Molière.
Elle s’agenouille, elle supplie. Molière est mort, murmure-t-elle. Le sang a rempli sa bouche, lors de la dernière scène du Malade imaginaire, au Palais-Royal. Les prêtres de l’église Saint-Eustache ont refusé de lui accorder les derniers sacrements. Et on interdit un enterrement religieux.
— Sire, votre Molière, murmure-t-elle.
Il hésite, puis il promet qu’il appuiera la requête auprès de monseigneur l’archevêque de Paris.
Quelques jours plus tard, il apprend qu’on a enterré Molière de nuit, en présence de quelques centaines de personnes, éclairées par des
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