Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Il a cependant engrossé Liselotte, et elle a accouché d’un garçon, Alexandre Louis, duc de Valois. Et Louis a tenu à assister au baptême, puis il s’est rendu à toutes les fêtes pour célébrer l’événement. Il partage avec cette Palatine le goût du théâtre, des mascarades, des feux d’artifice, de l’opéra. Et il aime sa saine gaieté, son endurance physique. Elle peut chevaucher toute une journée, emportée elle aussi par le goût et le plaisir de la chasse.
Et Louis se délecte à la lire, surpris par ce que ses lettres lui révèlent, qu’il côtoie pourtant et dont elle lui fait découvrir l’ampleur.
« Celui qui voudrait détester tous ceux qui aiment les garçons ne pourrait pas aimer ici, à la Cour, six personnes, écrit la Palatine. Il y en a de tous les genres. Il y en a qui haïssent les femmes comme la mort et ne peuvent aimer que les hommes. D’autres aiment les hommes et les femmes. D’autres aiment seulement les enfants de dix ou onze ans, d’autres des jeunes gens de dix-sept à vingt-cinq ans et ce sont les plus nombreux. Il y a d’autres débauchés qui n’aiment ni les hommes ni les femmes et qui se divertissent tout seuls, mais ils sont moins nombreux que les autres. Il y en a aussi qui pratiquent la débauche avec tout ce qui leur tombe sous la main, animaux et hommes…»
Il éprouve un sentiment de mépris mêlé de dégoût pour ces sujets de Sodome parmi lesquels il y a son propre frère, dont il doit bien reconnaître qu’il s’est montré hardi, courageux à la guerre, s’élançant le premier, son bâton de commandement à la main, à la tête de sa compagnie de gendarmes et s’emparant de la ville hollandaise de Zutphen.
Philippe a une bravoure naturelle. Il semble ignorer ce que c’est que la mort, et pourtant il a l’air d’une femme, et Louis le surprend toujours en train de se farder !
Mais comment et pourquoi empêcher cela ?
Il faut simplement sévir quand ce vice italien corrompt les hommes au point de les détourner de leur tâche.
Louis apprend ainsi que Lully, le surintendant de la musique, qui doit composer la partition des livrets écrits par Quinault, un auteur prolixe, abandonne sa tâche, fou qu’il est d’un mignon nommé Brunet qui se joue de lui.
Qu’on enlève ce Brunet ! Qu’on l’enferme à Saint-Lazare et que les pères le fouettent deux fois par jour !
Et Louis, dans les rapports des espions de Louvois, apprend que l’on se moque à Paris du surintendant de la musique :
Monsieur Lully est affligé
De voir son Brunet fustigé
Il est jaloux qu’un père
Eh bien
Visite son derrière
Vous m’entendez bien…
Mais peu importe les rimailleurs. Lully s’est remis au travail, et la composition de cet opéra-ballet, Alceste, avance, et Louis veut qu’il soit représenté lorsqu’il rentrera victorieux de la guerre.
Elle a repris, dans un nouvel hiver pluvieux et venteux.
Louis s’emporte. Les princes allemands, et même les évêques de Cologne et de Munster, tous ceux qui furent ses alliés, rompent avec lui, et la diète de Ratisbonne lance le Saint Empire romain germanique dans la guerre contre la France.
Louis éprouve à la fois un sentiment de colère et d’orgueil. Tous les royaumes, celui d’Angleterre et celui d’Espagne, la république des Provinces-Unies et le Saint Empire, et à nouveau l’électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume de Hohenzollern, sont contre lui. Parce qu’il est le Roi Très Chrétien, celui qu’on jalouse et qu’on craint. Louis le Grand, le Roi-Soleil, le souverain du plus grand des royaumes.
Il donne ses ordres. Il ne veut conserver que quelques-unes des villes de Flandre, dont Nimègue et Maëstricht. Qu’on abandonne les autres et même Utrecht. Il veut porter la guerre dans la Franche-Comté espagnole.
Et, au mois de mai, il quitte le château de Saint-Germain, suivi par toute la Cour.
Il veut que les dames soient là, pour l’accueillir le soir et souper sous la grande tente, au son des violons.
Il partage ses nuits avec Athénaïs de Montespan et à l’aube il entre dans la tente de la reine Marie-Thérèse.
Mais il est tout le jour roi de guerre. En compagnie de Vauban, il se dirige, entouré de ses mousquetaires, vers Besançon, vers Dole, que ses troupes assiègent. Ces villes se rendent, la première le 15 mai 1674, l’autre le 7 juin. Victoire aisée, même si les morts se comptent déjà par centaines et si les dames de la Cour,
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