Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
auxquelles il veut montrer les fortifications de Besançon et de Dole, et raconter le siège, détournent la tête, effrayées devant le spectacle des blessés dont personne ne paraît se soucier.
Mais le soir les violons jouent sous la tente du roi, accompagnant le souper, ne s’interrompant que pour la lecture d’une lettre de Colbert, resté à Paris.
« Dans le moment Sire, où nous tremblions ici pour l’attaque de la citadelle de Besançon, nous avons reçu l’heureuse et agréable nouvelle de sa prise. César prit la ville aussi et s’en glorifie dans ses ouvrages. La puissance de toute la maison d’Autriche s’est appliquée pendant sept années à la rendre imprenable et Votre Majesté prend cette ville.
« Il faut, Sire, se taire, admirer, remercier Dieu tous les jours de nous avoir fait naître sous le règne d’un roi tel que Votre Majesté. »
Il faut, par des fêtes inoubliables, célébrer cette victoire.
Il s’installe à Versailles, en ce mois de juillet 1674.
Il veut que la cour de Marbre se transforme en une scène de théâtre et que, sur le canal enfin achevé, des gondoles offertes par la république de Venise naviguent dans la nuit et la lueur des lanternes, dans l’éclat des feux d’artifice et des centaines de bougies placées sur une colonne dressée dans la cour de Marbre.
Il veut six journées de divertissement, qui se tiendront entre le 4 juillet et le 31 août.
Le 4 juillet, il est assis entre la reine et Athénaïs de Montespan, dans cette cour de Marbre, alors que se succèdent les actes d’Alceste, et que d’un regard il félicite Lully et Quinault pour cet opéra-ballet.
Il apprécie qu’on l’ait représenté, au fil du spectacle, en Neptune, Mars, Apollon, Pluton, Hercule, roi triomphant qu’accompagnent les chœurs et les danseurs.
Les tambours et les trompettes, les marches militaires rappellent que c’est en l’honneur de la conquête rapide et glorieuse de la Franche-Comté que ces divertissements ont lieu.
Louis est présent à chacune des journées, riant au Malade imaginaire écrit par Molière qui n’est plus. Et au souvenir de l’acteur qu’il avait protégé il regarde autour de lui. Personne n’échappera à la mort ? Quand le saisira-t-elle ?
Il chasse cette pensée. Il assiste à la représentation d’ Iphigénie donnée dans l’Orangerie, et il félicite Racine pour son œuvre.
Mais à ces jeux de scène, il préfère la transformation, par les lanternes, les bougies et les feux d’artifice, des jardins et des palais en un spectacle qui enveloppe la nature et la change en féerie.
Le 31 août, il embarque sur l’un des vaisseaux qui vont remonter le canal dans la nuit illuminée. Tout est devenu décor. Les gondoles suivent le vaisseau royal, naviguent de concert avec l’embarcation sur laquelle ont pris place les violons du roi.
Louis est assis sur un trône placé à la poupe de son vaisseau.
Il regarde les toiles qui, de place en place, décorent les rives du canal et sur lesquelles on a peint les dieux de l’Olympe.
Versailles est son Olympe.
Mais le temps des fêtes s’achève déjà. Louis quitte le château encore inachevé. Il regagne Saint-Germain et souvent il se rend au Louvre. Il y reçoit les dépêches de Condé et de Turenne.
L’un vient d’affronter les troupes de Guillaume d’Orange, près de Charleroi, à Seneffe, et la bataille a été si meurtrière qu’aucune des deux armées, la française de quarante-cinq mille hommes, la hollandaise de soixante mille, n’a occupé le terrain, l’une et l’autre comme effrayées par le massacre de milliers de soldats. Et chaque camp peut ainsi déclarer qu’il a remporté la victoire.
Il faut la proclamer, la célébrer par un Te Deum , féliciter Condé qui a eu trois chevaux tués sous lui en conduisant les charges.
Il faut aussi féliciter Turenne qui en Alsace réussit à repousser les Impériaux, et envahit le Palatinat.
Louis devine, en voyant le visage assombri d’Élisabeth-Charlotte, que celle-ci a appris que son pays est saccagé, que Turenne, pour se venger des paysans qui ont attaqué et tué des soldats isolés, a donné l’ordre de brûler vingt-deux villages, d’en massacrer les habitants et de détruire les récoltes.
Mais l’électeur palatin, le père d’Élisabeth-Charlotte, a eu une attitude ambiguë. Il est attiré par l’alliance avec les princes allemands contre la France, donc contre sa fille.
Alors, que
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