Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
Liselotte soit attristée, mécontente, qu’elle en veuille à Louvois, à Turenne, ne doit pas être pris en compte par le roi de France.
Il ne doit avoir pour seule préoccupation que l’intérêt de sa gloire et du royaume.
Et celui-ci peut toujours être à la merci d’une conspiration.
Louis regarde les papiers que Louvois vient de déposer sur la table de marbre.
Ils mettent en cause le descendant de l’une des plus nobles familles de France, les Rohan. Et Louis se souvient de ce jeune chevalier de Rohan, auquel il avait accordé de succéder à ses aïeux dans la charge de grand veneur.
Mais Rohan l’avait irrité. On disait à la Cour qu’il était « l’homme le mieux fait de son temps et de la plus grande mise ».
N’était-ce pas le roi qui aurait dû éclipser tous les autres ?
Et le chevalier avait séduit toutes les plus belles femmes de la Cour, et même la marquise de Thianges, la propre sœur d’Athénaïs de Montespan. Et celle-ci, en riant, avait laissé entendre que Rohan s’était montré fort empressé envers elle, mais qu’elle avait bien sûr résisté et qu’elle ne s’était pas, malgré son siège, rendue.
Comment oublier une telle impertinence ?
Et voici qu’en cette fin d’année 1674, son nom est là, acoquiné à celui d’un Flamand, Van den Enden, et d’un officier, Gilles de Latréaumont. Et c’est ce dernier qui a mis sur pied cette conjuration. On soulèvera la Normandie, la Bretagne et la Guyenne, provinces accablées d’impôts. On enlèvera Monseigneur, le Grand Dauphin, qui s’aventure souvent dans les forêts de Normandie pour chasser en compagnie d’un seul piqueur. Et plus tard, on pourra peut-être même enlever le roi.
Par Van den Enden on a pris contact avec les Hollandais, qui ont promis de faire croiser un vaisseau au large de la Normandie et même de débarquer des troupes afin d’aider les conspirateurs. Lorsque le Grand Dauphin sera enlevé, on le transportera à bord du navire hollandais.
Un témoin de hasard a découvert la conspiration et en a averti Louvois. Latréaumont est mort lors de son arrestation. Van den Enden et Rohan attendent leur exécution.
Louis feuillette les papiers que lui a remis Louvois. Les conspirateurs envisageaient non seulement de soulever des provinces, mais d’établir une république où la noblesse défendrait les intérêts des plus pauvres des sujets.
Folie ! Crime de lèse-majesté.
Van den Enden doit être pendu, mais faut-il gracier Rohan ?
Louis hésite. Le chevalier incarne la plus pure noblesse française. Mais il n’a pas craint de préparer la guerre civile, d’envisager de porter la main sur le Dauphin et le roi.
Louis attend. Il espère que quelqu’un osera lui demander la grâce de Rohan.
Mais tous les proches du chevalier se taisent.
Et seul Louvois répète : « Il faut faire un exemple, Sire. »
Alors Louis laisse dresser l’échafaud devant la Bastille. Et c’est le père Bourdaloue, prédicateur à la Cour, qui accompagnera le chevalier de Rohan jusqu’au billot.
Et le 27 novembre, la hache du bourreau tranche le cou de Rohan.
Il veut oublier.
Il se rend auprès de ses enfants. Il y rencontre Françoise d’Aubigné. La veuve Scarron, comme à son habitude, vante le duc du Maine, celui des enfants qu’elle préfère, et fait aussi l’éloge de Mlle de Nantes. Les enfants paraissent l’aimer, et à rester près d’eux, en compagnie de cette femme douce, Louis s’apaise.
Il est même déçu quand Athénaïs de Montespan le rejoint. La vivacité de sa maîtresse, son esprit, ses railleries, sa beauté même lui apparaissent tout à coup comme une boisson trop forte qui trouble les sens et l’âme. Et il a aussi besoin de tranquillité. Lorsque Athénaïs de Montespan le laisse à nouveau seul avec Françoise Scarron et les enfants, il éprouve une sensation de repos.
Il s’approche de Françoise Scarron, il aimerait frôler ses épaules et ses cheveux. Il lui propose de partager medianoche avec lui, il serait heureux de l’avoir à sa table, pour ce repas gras, pris à minuit après les jours maigres. Elle accepte en baissant les yeux, mais dit aussi qu’elle consultera l’abbé Gobelin, son directeur de conscience.
Cette femme l’attire, avec ses prudences, sa mesure, son obstination aussi à cet art de dire sans excès ce qu’elle veut, cette manière de se flatter, de se présenter sous le meilleur jour. Il devine tout cela. Ce n’est
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