Louis XIV - Tome 1 - Le Roi soleil
famille de Rochechouart de Mortemart lui est dévouée. Alors il faut satisfaire Athénaïs de Montespan.
Il écrit à Colbert de préparer pour elle un coffret contenant des bijoux qu’elle pourrait utiliser à sa guise.
« Il y aura dans cette cassette un collier de perles que je veux qui soit beau, deux paires de pendants d’oreilles, l’une de diamants que je veux qui soient beaux et une de toutes pierres ; une boîte et des attaches de diamants, une boîte et des attaches de toutes pierres dont les pierres se pourront lever à toutes deux ; il faut avoir des pierres de toutes couleurs pour en pouvoir changer ; il faut aussi une paire de pendants d’oreilles et de perles. Il faut aussi quatre douzaines de boutons dont on changera les pierres du milieu ; le tout étant de petits diamants, tout ira bien dessus…»
Il sait qu’Athénaïs aime les bijoux, et il veut être précis afin de la satisfaire.
Il se rend plusieurs fois avec elle à Clagny, pour surveiller les travaux d’un jeune architecte, Hardouin-Mansart, qui embellit le château d’Athénaïs. Le jardin sera dessiné par Le Nôtre.
Louis dit à Colbert :
— Mme de Montespan a grande envie que le jardin soit en état d’être planté cet automne. Faites tout ce qui sera nécessaire pour qu’elle ait cette satisfaction.
Il veut voir lui-même le bois d’orangers dans de grandes caisses, les roses, les jasmins, les œillets, et le petit bois sombre, laissé par Le Nôtre, comme un peu de mystère dans un ordonnancement réglé.
Il se rend à la ferme qui a coûté deux mille écus, et il se réjouit de l’enthousiasme d’Athénaïs, qui admire tourterelles et truies grasses et propres, vaches pleines et moutons enrubannés !
Tout cela est fort cher il est vrai : 23 738 livres pour les arbres fruitiers.
— La dépense est excessive, dit-il à Colbert, et je vois là que pour me plaire, rien ne vous est impossible.
Et il faut aussi que Colbert trouve des ressources « extraordinaires » pour financer la guerre qui continue. Il faut armer les régiments de Turenne qui en Alsace poursuit les troupes impériales et remporte la victoire de Turckheim, puis franchit le Rhin.
Grande gloire, mais qui ne s’obtient que si les coffres sont pleins.
Il approuve Colbert qui rétablit des taxes sur le papier timbré et rend plus rigoureux le paiement de tous les impôts.
Les seigneurs font de même parce que le prix des denrées augmente, que leurs dépenses s’accroissent, qu’ils lèvent des compagnies pour participer à la guerre du roi, veulent paraître à la Cour, et, dans les châteaux, eux aussi désirent offrir des fêtes comme à Saint-Germain ou à Versailles.
Et Louis sur la table de marbre voit s’entasser les requêtes :
« Tout le peuple, pressé par la misère et par la nécessité, supplie Sa Majesté de le regarder d’un œil de compassion et de le soulager. »
Il lit une lettre que Bossuet lui adresse, et qui évoque :
« […] Henri IV, votre aïeul qui par sa bonté ingénieuse et persévérante a cherché les remèdes aux maux de l’État, a trouvé le moyen de rendre les peuples plus heureux et de leur faire sentir et avouer leur bonheur. »
Tout cela est bel et bon, mais d’abord l’ordre !
Et par milliers les paysans bretons, les « bonnets rouges », saccagent et brûlent les châteaux, refusent d’obéir au gouverneur de Bretagne, le duc de Chaulnes.
Ils forment une armée de plus de vingt mille hommes guidés par un notaire, Sébastien le Balp.
Ils brandissent des faux, des fourches et des lames manchées. Ils pillent.
Des émeutiers parcourent même les rues de Rennes, s’en prennent à Mme la duchesse de Chaulnes.
Et parmi les rapports des espions de Louvois, Louis lit ceux qui indiquent qu’en Allemagne et dans les Provinces-Unies on se félicite de la révolte bretonne. On songe à envoyer des troupes soutenir les « bonnets rouges ». Une flotte hollandaise doit même débarquer des envoyés de Guillaume d’Orange à Quimperlé, à charge pour eux de proposer des armes, une alliance aux paysans révoltés.
Il n’y a qu’un seul choix, celui que propose Louvois et que Louis martèle, dicte :
— C’est dans le sang qu’il faut noyer l’émeute.
Les troupes entrent dans Rennes, les mèches de leurs fusils allumées.
On arrête. On massacre. On viole. On condamne à la roue, à la corde, aux galères. Les paysans s’agenouillent, répètent « mea
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