Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
dans la guerre contre la France.
Rebenac, rentré quelques semaines plus tard à Paris, précise que Marie-Louise d’Orléans a peut-être été empoisonnée sur ordre du comte Mansfeld, l’émissaire de l’empereur germanique à Madrid, avec la complicité de la comtesse de Soissons, cette femme mêlée à l’affaire des Poisons et dont le roi se souvient si bien. Il l’avait aimée alors qu’elle n’était qu’Olympe Mancini, nièce du cardinal de Mazarin.
Rebenac ajoute que Marie-Louise d’Orléans est « morte à l’égard de Dieu comme une religieuse et à l’égard du monde comme une héroïne » ! Le poison aurait été mis dans une tourte d’anguilles ou bien dans des huîtres. Une des demoiselles de la reine a voulu en manger et un grand d’Espagne lui a arraché l’huître de la main, l’avertissant que si elle l’avalait elle serait malade.
On a ouvert le corps de la reine, dont les organes étaient rongés, et sa chair violette.
Et déjà, on annonçait le prochain mariage du roi d’Espagne avec la fille de l’électeur palatin, et sœur de l’impératrice d’Allemagne.
C’est cela, la guerre qu’on mène contre le roi de France ! Et on l’accuse d’être un barbare !
Il n'a fait que son devoir de Roi Très-Chrétien du royaume de France.
Il a accueilli au château de Saint-Germain Jacques II d’Angleterre, le catholique, chassé de son royaume par Guillaume d’Orange, l’hérétique. Il lui a donné l’accolade et lui a dit :
— Monsieur mon frère, que j’ai de joie de vous voir ici ! Je ne me sens pas de joie de vous voir en sécurité !
Il l’a aidé à organiser un débarquement en Irlande, et il l’a soutenu lorsque Jacques II s’est trouvé, après quelques jours, en difficulté, en lui envoyant un contingent de sept mille hommes commandés par le comte de Lauzun.
Il l’a accueilli à nouveau, après l’échec de cette tentative.
Et il a dû faire face aux troupes espagnoles et allemandes dans les Pays-Bas et les pays rhénans. Mayence est tombé. Et les coffres se sont vidés parce que la guerre est une grande dévoreuse d’or et d’argent.
Il en veut à Louvois de n’avoir pas su conduire cette guerre.
Il écoute le frère de Colbert, Colbert de Croissy, et le marquis de Torcy, le fils de ce dernier, et Seignelay, le fils de Colbert.
Ce sont eux qui ont eu l’idée, pour combattre la disette d’argent, de condamner le luxe de la vaisselle et des objets en métaux précieux. Mais c’est lui qui a décidé d’envoyer à la Monnaie toute son argenterie, afin qu’on la fonde et qu’avec le métal ainsi obtenu on frappe des pièces d’or et d'argent pour remplir les coffres, payer la guerre, maintenir le commerce.
Un roi doit être prêt aux sacrifices pour la gloire de son royaume.
Maintenant, il assiste à la représentation d’ Esther .
Les personnages de Racine, l’impérieuse Vasthi, l’épouse du roi Assuérus, et la noble, la douce Esther, dont la piété attire le roi, malgré les manigances du ministre Aman, lui rappellent l’une Athénaïs de Montespan, l’autre Françoise de Maintenon, et Aman, c’est Louvois !
Quant à Assuérus, c’est lui, Louis le Grand !
Il perçoit l’émotion des jeunes actrices.
Il sourit de leurs maladresses. Il est sensible à leur beauté, à leur virginité rougissante. Et il entend les murmures désapprobateurs de quelques prêtres, qui s’inquiètent pour ces jeunes pensionnaires, exposées aux regards et aux désirs des courtisans.
Mais il aime cette pièce et il le dit, faisant taire les critiques et suscitant ainsi l’enthousiasme de toute la Cour, qui félicite Racine.
Le soir on soupe au Grand Trianon, ce bâtiment dont il a surveillé la construction, demandant à l’architecte Hardouin-Mansart d’utiliser des marbres roses, de ne pas élever d’étage, de se contenter de deux corps de logis, reliés par un péristyle.
Il a voulu qu’ainsi la beauté naisse non pas de l’or, des boiseries et des statues, mais seulement du jeu de la pierre et du marbre.
Il est satisfait.
Il a à ses côtés Mme de Maintenon, le roi Jacques II et la reine d’Angleterre, ces vaincus qu’il protège.
Et lorsqu’il lit les dernières pages de la Palatine, il reste indifférent.
Et pourtant, Élisabeth Charlotte, à son habitude, exprime avec violence ses ressentiments, sa haine pour Françoise de Maintenon.
« La vieille guenille, écrit-elle, s’est donnée devant
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