Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi
l’héritière du trône.
Comment ne pas imaginer que Guillaume d’Orange, l’hérétique, l’ennemi résolu du royaume de France, s’alliera avec les hérétiques anglais pour chasser le roi catholique, Jacques II, son épouse et son prince de Galles afin de se faire attribuer, à lui et à Mary, le trône d’Angleterre ?
Et il faudrait ne pas prendre ce gage qu’est le Palatinat !
Louis ordonne que l’on s’empare de la ville de Philippsburg, sur la rive droite du Rhin.
Il veut que Monseigneur le dauphin prenne la tête de l’armée, et qu’il apprenne ainsi sur le terrain en compagnie de Vauban comment l’on assiège une ville, et la contraint à capituler.
Il le dit au dauphin.
— Je vous donne l’occasion de faire connaître votre mérite. Allez le montrer à toute l’Europe afin que, quand je viendrai à mourir, on ne s’aperçoive pas que le roi est mort.
Il va mourir.
Cette pensée tout à coup l’habite.
Le dauphin sera son successeur, et devant Philippsburg il se conduit en homme de courage et de talent.
Louis ressent de la fierté et de l’inquiétude aussi quand Louvois lui remet les lettres écrites par Vauban qui racontent comment Monseigneur le dauphin a arpenté les tranchées situées à quelques centaines de pas seulement des bouches à feu adverses.
« Il voulait tout voir, écrit Vauban. Non content de cela, il fallut accommoder un endroit par où il pût regarder par-dessus la tranchée à son aise. Je lui en fis un et il s’éleva, moi le tenant par le pan de son justaucorps pour le retirer quand il en serait temps. »
Il sent, en poursuivant la lecture, que l’inquiétude peu à peu efface la fierté.
A-t-on idée de rester trois ou quatre heures dans la tranchée la plus exposée, là où, dit Vauban, le canon est dangereux ?
« Monseigneur le dauphin a été aux grandes attaques, un coup de canon donna si près de lui que M. de Beauvillier, le marquis d’Huxelles et moi qui marchions devant lui en eûmes le tintouin un quart d’heure, ce qui n’arrive jamais que quand on se trouve dans le vent du boulet ; jugez du reste. »
Le dauphin sous le feu du canon ! La succession de France mise en péril ! Louis dicte :
« Le roi demande présentement à Monseigneur qu’il ne désire plus qu’il aille à la tranchée et qu’ayant fait à présent tout ce qui était nécessaire pour sa propre gloire, il ne veut plus qu’il songe à autre chose qu’à achever de s’instruire. »
Il ne peut plus chasser. L’idée de la mort, la sienne, celle de son fils. Il pense à ses autres enfants, aux bâtards qu’il a légitimés mais auxquels il doit assurer une position, qui unira tous ceux qui sont de son sang.
Il pense au duc du Maine et à Mlle de Blois, les enfants qu’il a eus d’Athénaïs de Montespan. Mlle de Blois pourrait épouser le duc de Chartres, le fils de Monsieur et de la Palatine, et le duc du Maine, leur fille.
Il veut voir les mignons de Monsieur, le chevalier de Lorraine et le marquis d’Effiat.
Il leur annonce qu’il a décidé de les désigner comme membres de l’ordre du Saint-Esprit.
Il perçoit leur étonnement, leur satisfaction. Ils savent que le roi n’aime pas les sodomites et ils s’interrogent sur les raisons de cette distinction.
Il dit simplement qu’il souhaite que le duc du Maine et Mlle de Blois épousent les enfants de Monsieur et de Madame.
Le chevalier de Lorraine et le marquis d’Effiat s’inclinent cérémonieusement. Ils ne seront pas ingrats.
Et il est apaisé à l’idée que ses enfants prendront rang parmi la famille d’Orléans.
Il a le sentiment d’avoir accompli son devoir, effacé la bâtardise née du double adultère.
Et puis cette lettre de la princesse Palatine, qui le fait trembler de colère.
« Depuis quelque temps j’ai beaucoup d’ennuis, écrit la princesse Palatine. On m’a dit en confidence les vraies raisons pour lesquelles le roi traite si bien le chevalier de Lorraine et le marquis d’Effiat ; c’est parce qu’ils ont promis d’amener Monsieur à le prier très humblement de vouloir bien marier les enfants de la Montespan avec les miens, savoir ma fille avec ce boiteux de duc du Maine et mon fils avec Mlle de Blois.
« La Maintenon dans cette circonstance est tout à fait pour la Montespan car c’est elle qui a élevé les bâtards ; et elle aime ce méchant boiteux comme si c’était son propre enfant. »
Il ferme les yeux.
Chacun de ces
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