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Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi

Titel: Louis XIV - Tome 2 - L'hiver du grand roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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glissent sur le front, les joues du duc de Bourgogne qui frissonne.
    Il se souvient de cette phrase lancée tel un défi par le duc lors d’un souper à Marly, il y a quelques semaines, et qui était comme une accusation :
    — Les rois sont faits pour leurs peuples, et non les peuples pour les rois, avait dit son petit-fils.
    Louis n’avait pas répondu, mais il avait reconnu les idées de Fénelon, de Saint-Simon ou du duc de Chevreuse. Et il avait été blessé par l’incompréhension et la critique que révélait cette phrase.
    Elle lui paraît dérisoire aujourd’hui, alors que les prêtres entrent dans la chambre de celui qui est le dauphin, et qui va mourir.
    C’est fait le 18 février 1712, moins de six jours après la mort de la duchesse de Bourgogne, et le nouveau dauphin n’est qu’un enfant de cinq ans, ce duc de Bretagne, malade lui aussi, qu’il faut baptiser vite, avec son frère cadet, le duc d’Anjou, que la fièvre et la rougeole pourprée touchent à son tour.
    Louis regarde le corps du duc de Bourgogne. Il est le premier des membres de la famille royale à mourir à Marly. La mort avait-elle jusqu’alors préservé ce château pour frapper encore plus fort, atteindre le roi en ce lieu qu’il aimait plus que tout autre ?
    Il veut qu’on transporte le corps de son petit-fils à Versailles. Et il veut quitter Marly, recevoir à Versailles les dames en mante et les courtisans en manteau long, venus lui présenter leurs compliments de deuil. Il veut aussi pouvoir se rendre dans les appartements du duc de Bretagne et du duc d’Anjou, ces deux enfants qui viennent de perdre leur mère et leur père et qui, avec le duc de Berry frère cadet du duc de Bourgogne, sont les derniers descendants, mais l’un n’a que cinq ans et l’autre à peine deux.
    Et il sait que déjà l’on murmure que Philippe d’Orléans sera le régent, et, si la mort frappe encore, alors il montera sur le trône de France.
    Et si pour atteindre ce but « on » avait empoisonné le duc et la duchesse de Bourgogne ?
    Qui ignore la passion de Philippe d’Orléans pour les alchimistes ? Ces expériences auxquelles il se livre dans les caves du Palais-Royal ?
    Louis devine aux soupirs, aux allusions de Mme de Maintenon, qu’elle croit Philippe d’Orléans coupable !
    Louis ne veut pas écouter ces rumeurs, soupçonner le fils de la princesse Palatine, l’époux de Mlle de Blois, bâtarde du roi et d’Athénaïs de Montespan.
     
    Et puis Fagon lui annonce, le 8 mars, que le duc de Bretagne, le petit dauphin, est mort, tout empourpré de la rougeole.
    Est-il possible que la mort s’acharne ainsi ?
    Comment ne pas croire qu’une main criminelle a versé le poison pour s’ouvrir le chemin du trône ?
    Il se souvient de ces liasses accusant Athénaïs de Montespan et qu’il a brûlées il y a trois ans.
    Vrai, faux ? Il ne sait pas. Et le soupçon le ronge.
    Il a l’impression que tout son corps est meurtri, que toutes les souffrances qu’il a endurées, dans sa vie, celles nées du ventre et de la goutte, ces étaux serrant ses chevilles, et ces maux de tête, ces étouffements, ces vapeurs, ces vertiges, et même ces douleurs quand les chirurgiens brisaient ses mâchoires, crevaient son palais, incisaient son anus, sont revenues toutes ensemble, plus aiguës.
    La mort de ses descendants et de Marie-Adélaïde est la sienne.
    Pourquoi a-t-elle frappé cet enfant, ce petit dauphin ?
    Il veut savoir.
    Il lit les lettres que la princesse Palatine adresse à sa tante et que le « cabinet noir » subtilise :
    « Nous avons encore perdu M. le dauphin, ci-devant duc de Bretagne, qui est mort en quatre jours, écrit-elle. C’était le plus aimable et joli enfant qu’il soit possible de voir…
    « Lorsque le petit dauphin était déjà tout empourpré de la rougeole et en transpiration les médecins l’ont saigné, puis donné de l’émétique et le pauvre enfant est mort au milieu de l’opération. Et ce qui prouve bien que les médecins ont tué aussi ce dauphin, c’est que son petit frère avait la même maladie.
    « Pendant que les neuf médecins étaient occupés de l’aîné, les femmes du cadet se sont enfermées avec lui et lui ont donné un peu de vin et de biscuit.
    « Hier, puisque l’enfant avait une forte fièvre, ils ont voulu le saigner lui aussi, mais sa gouvernante, Mme de Ventadour, mon ancienne dame d’honneur, s’est opposée catégoriquement aux médecins. On l’a

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