L'ultime prophétie

aperçut la bande noire qui s'étendait entre elles et la
partie obscure et déformée de la toile que contrôlait Ardred.
    La peur lui noua l'estomac. Cette obscurité était tellement
immense comparée à leur petit cercle de lumière. Comment pourraient-elles
lutter ? Comment pouvaient-elles réparer le mal qui avait été fait ?
    Avec toute l'énergie qu'elle possédait, elle repoussa
l'obscurité loin d'elles. Elle sembla presque reculer sous l'effet de sa volonté
puis reprit sa place ; mais elle n'approcha pas davantage. Tess la vit même
diminuer peu à peu. Elle se demanda si ce rétrécissement était réel ou si elle
ne voyait pas uniquement ce qu'elle voulait voir.
    Alors que le mal reculait, le point noir au milieu du cercle
des Ilduins faiblit. Puis avec un bruit sec, il s'évanouit.
    Tess ressentit immédiatement le soulagement de Cilla et de
Sara. Elles avaient compris elles aussi que le mal avait quitté cette pièce.
Avant que Tess pût réagir, ses deux sœurs avaient pris les mains de l'Ilduin
qu'elles venaient de libérer et l'avaient entraînée dans le cercle.
    Pendant un instant, elles furent accueillies sans réserve.
    Puis Tess entendit un cri résonner dans sa tête.
    Aide-moi, ma sœur !
    Elle reporta son attention sur le mal qui souillait la trame
du monde. Elle entendit le même cri une seconde fois. Puis, juste avant que ses
sœurs n'eussent fermé le cercle, elle sentit d'autres Ilduins entrer en contact
avec elle.
    Des âmes sournoises, froides, répugnantes, en détresse. Le
choc lui fit l'effet d'une douche froide. Elle ouvrit les yeux et son corps
tout entier se raidit.
    De toutes ces forces et de toute sa volonté, elle tenta de
repousser le mal, de couper le lien. Puis tout devint noir.
     
    L'homme le plus beau qu'elle eût jamais vu sortit de
l'obscurité. Ses cheveux étaient de la couleur de l'or et ses yeux bleus comme
un ciel d'été. Vêtu de blanc de la tête aux pieds, il avança lentement vers
elle.
    —   Mon amour, dit-il d'une voix aussi douce et chaleureuse
que le miel. Je t'attends depuis si longtemps.
    Elle eut le sentiment qu'elle le connaissait sans l'avoir
jamais rencontré. Son charme était incroyable et l'attirait vers lui, bien
qu'une partie d'elle-même demeurât hésitante.
    —   Je ne vous connais pas.
    Plus elle se rapprochait de lui, plus ses yeux se faisaient
lumineux. Il sourit, avec une telle chaleur qu'elle désira en connaître
davantage.
    —   Tu me connaîtras bientôt, promit-il. Nous sommes
destinés l'un à l'autre, mon amour.
    Il la prit dans ses bras et la paix l'envahit, une telle
paix...
     
    Ils entouraient tous Tess, allongée sur un lit préparé
hâtivement. Archer, Tom, Erkiah, Cilla et Sara. Même l'empereur et sa fille se
tenaient non loin de là, l'air inquiet, ainsi que l'Ilduin qu'elles venaient de
libérer, une femme du nom de Yazzi ; assise sur une chaise, elle était visiblement
épuisée par les derniers événements.
    —   Elle est partie, cria Sara avec angoisse. Je ne peux
plus entrer en contact avec elle !
    —   Moi non plus, dit Cilla, atterrée.
    Archer s'assit près de Tess et se pencha sur elle, posant la
main sur sa joue.
    —   Tess, murmura-t-il. Reviens. Tu dois revenir vers moi.
    —   Cela s'est produit quand nous avons ouvert le cercle à
Yazzi, dit Sara à Cilla. L'as-tu senti ? Je crois que l'autre a pénétré le
cercle aussi.
    —   L'Ilduin possédée par le mal, approuva Cilla. Je crois que
tu as raison. Une présence froide l'a touchée alors.
    Archer leva la tête.
    —   Une présence froide cherche à pénétrer son esprit depuis
le début de notre voyage ensemble. Elle a toujours réussi à la combattre.
Qu'est-ce qui a changé cette fois ?
    Yazzi prit la parole pour la première fois depuis qu'elle
les avait remerciées de tout son cœur de l'avoir libérée.
    —   Vous avez ouvert le cercle afin de m'accueillir en votre
sein et à ce moment-là, n'importe quelle Ilduin pouvait nous rejoindre. Et j'ai
le sentiment qu'elle savait exactement de qui elle voulait s'emparer.
    Le visage de Cilla s'assombrit davantage.
    —   Je crains que tu n'aies raison, Yazzi.
    —   J'ai eu des mois pour prendre la mesure de cette femme.
Elle est puissante, très puissante, car sinon, j'aurais pu la tenir en respect.
Elle est la plus puissante de toutes les Ilduins.
    Sara secoua la tête.
    —   Je ne puis le croire. La Dame Filandière doit être plus forte qu'elle.
    Tom rompit son