L'ultime prophétie
silence.
— Saine et sauve, elle viendra à Arderon, sans que nul ne
l'arrête, elle qui contrôle la trame du monde.
Tous, à l'exception d'Archer, se tournèrent vers lui. Le
masque de Tom lui recouvrait de nouveau les yeux, rendant son expression difficile
à interpréter.
Sara lui prit la main.
— En es-tu certain ?
Il la regarda.
— Les dieux ne se laisseront pas priver de leur jeu. Nous
devons l'emmener avec nous.
— Ma dame, murmura Archer. Il souleva Tess de son oreiller
et la berça dans ses bras. Il ne l'aura pas.
— Cela fait partie de l'enjeu, dit Tom. Et je crains que
nul ne puisse faire la moindre prédiction à ce sujet. L'issue dépend de vous,
de nous tous... Mais vous... Archer, prenez garde. Je sens que les dieux ne se
soucient guère de ce que vous viviez ou mouriez.
— Moi non plus, répondit Archer simplement. Moi non plus.
Je ne me soucie que de vous, mes compagnons, et de Tess.
— Mais, dit Lozzi en s'éloignant de la protection de son
père, il ne fera pas de mal à Tess tant qu'il croira qu'il la possède et il ne
fera pas de mal non plus à ceux qui la lui amèneront. Elle sera donc en sécurité,
comme l'a dit le prophète. Lorsque nous arriverons...
— Tu n'iras pas, lui dit l'empereur avec sévérité.
La fillette se tourna vers lui.
— Si, père. J'ai été touchée par ce que l'Ennemi pourrait
nous faire à tous. Je ne puis rester à l'écart et regarder les autres se battre
contre lui. Si je puis aider, je le dois.
— Elle peut nous aider, dit Yazzi. Je suis venue ici afin
de la former. Je ne savais pas que c'était une ruse visant à me capturer. Mais
cette ruse ne tient plus.
Sara opina.
— Nous allons toutes la former. Et nous soutenir dans les
épreuves à venir.
Archer parcourut leurs visages du regard.
— Peu importe ce qui se passera désormais, nous devons
partir demain à l'aube. Il a commis assez de méfaits.
Il considéra l'empereur avec gravité.
— Si vous ne pouvez convaincre vos légions de rallier les
Anari dans cette guerre, nous irons seuls. Mais nous irons tout de même, avant
qu'il ne nous fasse payer un plus lourd tribut.
28.
Une légion supplémentaire arriva au cours de la nuit et des
messagers avaient été dépêchés afin que deux autres les rejoignissent. Deux
jours plus tard, à l'aube, trois légions bozandari au grand complet se tenaient
en rang de bataille dans la plaine au nord de la ville. L'armée du Loup des
Neiges avançait vers elles depuis les collines, bannières au vent comme autant
d'augures d'un âge nouveau.
Les Bozandari qui eussent pu refuser de croire aux ordres
qu'ils recevaient cessèrent de grommeler et de discuter en voyant l'empereur
avancer au milieu de ses troupes, revêtu de sa flamboyante et familière armure
de guerre, suivi de son étendard personnel à la couronne d'or sur fond bleu
qu'aucun soldat, même le plus modeste, ne pouvait ignorer.
Le mécontentement des troupes laissa bientôt place à l'étonnement
: sous le ciel rougeoyant de l'aurore, le monarque chevauchait à la rencontre
des Loups des Neiges, accompagné uniquement de ses cousins, Tuzza et Alezzi.
Tuzza présenta le souverain à Ratha et à Jenah.
Maluzza leur serra la main vigoureusement à tous deux.
— Ainsi, vous êtes les généraux qui avont vaincu Tuzza,
dit-il avec un petit sourire narquois sur les lèvres.
Ratha et Jenah se regardèrent. Ratha parla le premier.
— Avec l'aide d'Annuvil et de la Dame Filandière.
— Je rechercherai leur aide tout comme la vôtre dans les
jours qui viennent. Je suis certain que nous regrettons tous que cette prophétie
se réalise de notre vivant.
— Je ne l'aurais pas choisi, en effet, déclara Jenah.
L'empereur pencha la tête sur le côté.
— Je suis fier de marcher à vos côtés. Soyez assurés que
je ne suis pas fier, en revanche, de ce que mon peuple a fait au vôtre. A
partir d'aujourd'hui, l'esclavage est aboli et ceux qui s'y livreront s'exposent
à la peine de mort. Je vous en fais le serment. J'aurais aimé trouver le
courage d'agir avant que tant de sang ne soit versé.
Après un court silence, Ratha s'éclaircit la gorge.
— Votre décision vous honore.
Maluzza secoua la tête.
— J'aurais dû la prendre bien plus tôt. A présent, nous
allons affronter un ennemi qui pourrait bien nous réduire tous à l'esclavage.
Et nous sommes accablés par un fardeau
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