L'ultime prophétie

feraient de
bons éclaireurs. Mais les patrouilles subiront une guerre d'usure en règle et
la valeur tactique de votre légion réside dans la capacité de vos Anari et de vos
Bozandari à travailler de concert.
    —   Une guerre d'usure en règle ? s'étonna l'empereur. Je ne
connais pas ces termes.
    —   Tess nous vient d'un monde différent, dit Archer. Elle
prononce parfois des paroles de ce monde-là.
    —   En effet, Majesté, dit la jeune femme. Je vous présente
mes excuses. Les patrouilles subiront des pertes au cours d'embuscades,
lorsqu'elles chercheront à entrer en contact avec l'adversaire et à évaluer ses
forces. La légion des Loups des Neiges s'est entraînée à allier les tactiques
anari et bozandari. C'est la seule légion ainsi entraînée dont nous disposions
et nous ne devrions pas la diviser et l'affaiblir avant d'être prêts à
affronter l'Ennemi.
    —   Les vies des Bozandari ont-elles une moindre valeur à
vos yeux ? demanda le commandant Crazzi — sa légion, l'Aigle d'Or, les avait
rejoints à Bozandar et, alors que toutes les unités semblaient s'être
accoutumées à l'alliance avec les Anari, les Aigles d'Or et leur commandant ne
l'avaient fait qu'à contrecœur. Quelle légion voulez-vous sacrifier afin de
subir « la guerre d'usure en règle », comme vous dites ?
    —   La mienne, répliqua Alezzi. Nous marchons aux côtés des
Loups des Neiges depuis assez longtemps pour avoir appris certains des talents
d'éclaireurs des Anari. D'aucuns considèrent toujours mes hommes comme suspects
parce que nous nous sommes ralliés sous la bannière d'Annuvil avant que
l'empereur ne déclare officiellement l'alliance. Je veux que personne ne doute
de notre honneur maintenant. Nous formerons les patrouilles.
    —   Tes hommes n'ont aucun déshonneur à laver, dit Maluzza.
Tu n'as pas trahi, mon cousin. Tu as simplement eu l'occasion de découvrir la
vérité avant moi.
    —   Oui-da, Majesté, répondit Alezzi. Et vous êtes bien bon
de le dire. Mais vous ne pouvez commander le cœur des hommes, Majesté. Quand
tout cela sera terminé, mes soldats ne voudront pas avoir à supporter les
regards soupçonneux de leurs frères d'armes bozandari. Permettez-nous de nous
racheter dans les cœurs de nos compatriotes.
    Maluzza parut réfléchir quelques instants puis accepta.
    —   Oui-da, mon cousin. Comme tu l'as dit, tes hommes en
savent plus sur les techniques anari. Puissent-elles vous protéger dans votre
mission.
    Alezzi s'inclina.
    —   Avec votre permission, Majesté, je vais aller donner des
instructions à mes officiers.
    Tuzza saisit la main d'Alezzi.
    —   Ne risque pas ta vie par un excès d'audace, mon cousin.
    —   Je ne te laisserai pas te débarrasser de moi si
facilement, dit Alezzi avec un petit rire. Nous boirons à notre santé à la fin
de ce cauchemar.
    —   Puisse-t-elle être proche, repartit Tuzza.
     
    Le soleil était pratiquement à son zénith lorsque les deux
premières colonnes de la légion d'Alezzi quittèrent le campement. Chacune
transportait ses propres provisions, ce qui lui permettrait de se déplacer et
de se battre en toute autonomie. Si la carte de Yazzi était exacte, il leur
faudrait quatre jours pour atteindre Arderon après avoir traversé la plaine de
Verre. Après le départ des Lions Noirs, le reste des troupes suivit : les
Tigres Blancs de Suzza et les Aigles d'Or de Crazzi marchaient en parallèle.
Les Loups des Neiges cheminaient entre elles, un peu en arrière, en deux
colonnes. La garde impériale se trouvait derrière eux et les chariots de
provisions au milieu des troupes. Les deux dernières colonnes d'Alezzi
partiraient le lendemain, formant ainsi l'arrière-garde.
    A la tombée de la nuit, les patrouilles d'Alezzi
atteignirent la frontière sud du plateau. Les premiers éléments des Loups des
Neiges étaient à peine arrivés au centre de la plaine de Verre, et les derniers
hommes de Tuzza n'avaient marché que quelques heures quand l'armée fit halte
pour une deuxième nuit glaciale.
    En écoutant les rapports qui arrivaient progressivement sous
la tente de Maluzza, Archer sentit grandir son malaise. Chaque régiment avait
subi des pertes du fait de chutes sur les arêtes acérées de la surface de
verre. Une Ilduin avait été assignée à chacune des légions et leurs talents de
guérisseuses furent très sollicités durant la marche et tout au long de la
nuit. Pour chaque homme blessé, il y avait au