L'ultime prophétie
moins deux chevaux qui s'étaient
coupé les sabots ou s'étaient brisé les pattes. Si les choses continuaient
ainsi, les Ilduins seraient épuisées bien avant de voir l'armée d'Ardred et son
repaire.
Mais ni Archer ni Maluzza ne purent se résoudre à ordonner
aux Ilduins d'économiser leurs forces. Il ne pouvait abandonner des hommes de
bien à la cruauté de ce lieu maléfique et l'armée ne pouvait sacrifier aucune
monture s'ils voulaient disposer de provisions suffisantes en vue de la bataille.
Une fois de plus, Archer se haït pour avoir provoqué pareille catastrophe dans
ce monde. Les cris de ceux qu'un instant d'inattention avait fait trébucher, au
risque de signer leur arrêt de mort, étaient autant de coups de marteau sur le
clou de ses remords.
Le jour suivant ne fut pas meilleur. Les hommes se
fatiguaient de devoir surveiller le moindre de leurs mouvements. Quand l'armée
arriva au bas du flanc sud du plateau, tous étaient à bout de forces et de nerfs.
Le mécontentement couvait dans les rangs et Archer savait qu'ils auraient
besoin d'une journée de repos avant de continuer.
Or il n'en fut pas ainsi car dès le coucher du soleil, un
cavalier revint, à bride abattue, les avertir que l'une des colonnes d'Alezzi
s'était heurtée à un poste avancé ennemi. Les positions de l'adversaire étaient
fortifiées et les Lions Noirs avaient reculé avant de devoir l'affronter de
façon irréversible.
Archer ne doutait pas qu'ils eussent été repérés. En cet
instant, son frère devait mettre au point sa stratégie de destruction. A l'inverse,
Archer n'avait toujours aucune idée de l'ampleur ou de la composition des
troupes aux ordres d'Ardred.
Ce n'était guère de bon augure pour une bataille et ses
officiers n'étaient pas sans le savoir. Lorsqu'un conseil de guerre se réunit
au coucher du soleil, tous étaient fourbus et emplis de frustration.
— Votre frère s'est bien préparé, dit Crazzi d'un ton
sarcastique.
En dépit de sa colère face à ce manque de respect à son
égard, Archer convenait que Crazzi disait vrai. Ardred avait bien choisi l'emplacement
de son repaire. Tout ennemi qui chercherait à approcher le ferait au prix de
l'usure de ses troupes dans la plaine de verre, avant même de parvenir aux
premiers postes d'Ardred. Si Archer avait été à sa place, il aurait organisé
des attaques éclairs au moment où l'ennemi était le plus affaibli, avant qu'il
n'eût l'occasion de prendre du repos.
— En effet, dit-il. Tous les régiments doivent se tenir
prêts à repousser une attaque cette nuit.
— Impossible, dit Suzza. Mes hommes tiennent à peine
debout, comment pourraient-ils se battre ?
— Ardred en a conscience. N'attaqueriez-vous pas un ennemi
épuisé s'il vous approchait ?
Suzza hocha tristement la tête.
— Vous avez raison, mon seigneur. Mais comment puis-je
obliger mes hommes à renoncer au sommeil ? Le corps humain ne peut pas tout
supporter et mes hommes sont allés bien au-delà de leurs forces en traversant
cette maudite plaine.
— Ils doivent monter la garde à tour de rôle, dit Maluzza.
La nuit sera longue. Divisez les légions en tiers et donnez à chacun un tour de
garde de trois heures. Les autres peuvent dormir mais doivent garder leurs
armes à portée de main.
— Oui-da, Majesté, dit Crazzi. Nous pouvons faire cela.
Mais si l'Ennemi nous attaquait en force...
— Il ne le fera pas, dit Tom en entrant, le visage rougi
par le vent après une journée passée avec les Tigres Blancs — Sara passerait
d'ailleurs la nuit auprès de leurs blessés.
Il s'inclina devant l'empereur.
— Pardonnez mon retard, Majesté. J'ai aidé Sara à
organiser les soins et à panser les plaies qui ne nécessitaient pas le concours
de la magie.
— Ne vous excusez pas d'effectuer si noble tâche, dit
Maluzza. Pourquoi dis-tu que l'Ennemi n'attaquera pas en force cette nuit,
jeune prophète ? Qu'as-tu vu ?
Tom répondit à voix basse :
— J'ai entendu dire que dans certains cercles de Bozandar,
les hommes luttent contre des sangliers pour le sport.
— Oui-da, acquiesça l'empereur.
— Je n'ai jamais assisté à ce spectacle ni ne voudrais le
faire. Mais les marchands qui venaient à Whitewater en parlaient souvent. Le
lutteur n'utilise pas d'épée contre le sanglier au début du combat. Il le
frappe avec des dagues à la lame dentelée afin de l'affaiblir.
— Le but est de prolonger le combat, dit
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