L'ultime prophétie
Mais il ne peut avoir tous ces pouvoirs avec deux Ilduins
seulement, dit Sara.
— Non, approuva Tess. Il ne peut pas. Le grand ordonnateur
Glassidor n'avait que peu d'influence, comparée à celle de l'Ennemi. L'Ennemi
pourrait atteindre ses autres Ilduins par l'intermédiaire des deux qu'il retient
prisonnières.
Les trois jeunes femmes considérèrent les pierres
dispersées, en quête d'un indice qui les aiderait à s'orienter. Tess se mit à
marcher autour d'elles, les examinant sous différents angles, dans l'espoir
qu'elles lui parleraient d'une façon ou d'une autre.
— Tout ce qu'il nous faut, dit-elle lentement, c'est un
deuxième point de repère. Si nous découvrions où l'une de ces Ilduins se trouvait
par rapport à nous, la carte deviendrait limpide.
Cilla pointa du doigt vers le sol.
— Ces quatre-là sont proches. Elles doivent être dans une
grande ville ? Bozandar, peut-être ?
— Peut-être, répondit Sara. Mais elles peuvent avoir été
rapprochées par celui que nous combattons.
— Oui, c'est ce qui m'inquiète, dit Tess. Mais elles se
sont peut-être trouvées comme nous, par hasard, en découvrant leur destin.
— Malgré tout, dit Cilla, elles doivent être de familles
différentes, comme nous. Quatre femmes, au même endroit... Sans doute dans une
ville qui rassemble des peuples divers. Comme Bozandar.
— En effet, dit Tess. Elles sont probablement à Bozandar
ou dans les alentours. Mais nous devons accepter que l'une d'elles au moins se
trouve sous la coupe de l'Ennemi. Il ne pourrait pas commander aux volontés des
Bozandari sans son pouvoir.
— Oui-da, fit Sara. Et peut-être les contrôle-t-il toutes
les quatre.
Tess hocha la tête.
— Nous devons avancer avec une grande prudence. Mais la prudence
n'est-elle pas notre devise depuis le début ?
— Je n'aime pas trop l'idée d'aller à Bozandar, dit Cilla.
Mais je ne vois pas d'autre solution.
Tess opina. Je ne vois pas d'autre solution . Cette
phrase pesait sur sa vie depuis trop longtemps.
7.
Tuzza était autant surpris des progrès rapides de la
construction du campement de son armée que de voir quels hommes s'étaient
distingués chemin faisant. Certains étaient des officiers chevronnés qui
avaient accepté de suivre son exemple en participant à ses côtés aux tâches
manuelles et en sollicitant l'aide des Anari. Mais les autres étaient des
soldats dont il n'aurait jamais su le nom s'ils n'avaient pas brillé au cours
de cet exercice.
L'un d'eux se tenait devant lui en cet instant. Denza
Grundan n'était qu'un simple fantassin, un conscrit qui accomplissait la
deuxième période de son service militaire. Tous les rapports le décrivaient comme
un soldat capable et courageux, habile et respecté par ses camarades d'unité.
Il était également pour un quart anari.
Au vu de son histoire personnelle, apparente sur les traits
très sombres de son visage, ses qualités n'en ressortaient que davantage.
Le supérieur de Grundan lui-même s'était mis en retrait au
cours de la semaine qui venait de s'écouler, laissant volontiers ce dernier
organiser les quartiers non seulement de son unité mais de la compagnie tout
entière. Cette attitude avait semblé raisonnable à Tuzza, avant qu'il ne fit
appeler l'officier en vain et qu'il le découvre finalement sous sa tente, ivre.
Cet incident, ajouté à la mauvaise réputation de l'officier auprès de ses
hommes et de ses pairs, avait rendu la décision présente de Tuzza plus facile.
C'était la première étape idéale en vue de restaurer son autorité.
Tuzza, debout devant ses hommes, leur parla d'une voix qui
aurait porté aux quatre coins du camp, si la compagnie tout entière n'était
déjà devant lui, en formation.
— Soldat Denza Grundan, vous avez excellé dans les tâches
qui vous ont été assignées, démontrant une force de caractère, une humilité et
une attention aux besoins de vos hommes qui sont dans la plus grande tradition
des légions de Bozandar. C'est pourquoi je vous élève aujourd'hui au rang
d'officier de cette légion. Acceptez-vous l'honneur qui vous est fait en
prononçant le serment ?
— Oui-da, mon commandant, dit Grundan en posant un genou à
terre et en présentant son épée à Tuzza.
Si cette cérémonie s'était déroulée en d'autres
circonstances, Tuzza aurait demandé à Grundan de prêter allégeance à l'empereur.
Mais il avait réécrit le serment afin de
Weitere Kostenlose Bücher