L'ultime prophétie
petit sac de
cuir qu'elle portait constamment autour du cou.
Elle gagna le centre de la pièce et déversa les petites
pierres sur le sol.
— Nous savons que deux d'entre elles sont sous l'influence
de l'Ennemi.
— Celles-ci, dit Sara.
Elle les montra du doigt. Les deux pierres se mirent à
rouler, s'éloignant des autres et se dirigeant vers deux des statues. L'une
d'elles était de la couleur du béryl, la deuxième était un quartz jaune.
Les trois jeunes femmes fixèrent, dubitatives, les dix
pierres restantes. Cilla retira l'opale, qui était la pierre de Tess, puis le
saphir, celle de Sara, et enfin l'émeraude, la sienne. Il restait donc l'améthyste,
le rubis, la cornaline, la topaze, le grenat, le jade et la turquoise.
Celles-ci se mirent aussi à rouler sur le sol, mues par une force invisible.
— Devrions-nous vraiment faire ceci ? demanda Sara à voix
basse. Nous ne savons pas combien d'entre elles sont sous le joug d'Ardred.
— Nous ne voudrions pas non plus qu'Ardred sache que nous
les appelons, souligna Tess. Bien que je doute que nous puissions l'éviter. Il
a des Ilduins à son service.
— Nous en connaissons au moins deux, dit Cilla en
indiquant les deux pierres qui avaient commencé à rouler vers leurs statues,
avant de s'arrêter en cours de route et de s'immobiliser l'une à côté de l'autre.
Quant aux autres, elles s'étaient dispersées à travers la
pièce. Cilla poursuivit :
— Les Ilduins qui sont avec Ardred sauront malgré tout que
nous tramons quelque chose. Comment ne le sauraient-elles pas ? Nous sommes
liées les unes aux autres par un lien étroit, même s'il est mystérieux.
— Et celles qui ignorent totalement leur identité d'Ilduin
pourraient ne même pas comprendre ce lien, dit Sara.
Tess fixait les pierres en silence. Le silence se prolongea.
— Il y a une énigme à résoudre ici, dit-elle enfin.
Elle posa sa pierre sur le sol.
— Faites de même, mes sœurs.
Les trois pierres roulèrent alors l'une vers l'autre,
jusqu'à former un petit groupe à part.
Tess fronça les sourcils.
— Un peu comme si elles imitaient nos situations réelles.
Comme si elles dessinaient une sorte de carte.
Tess se surprit à penser à une époque lointaine, lorsqu'elle
ne vivait pas dans ce monde, et à des apprentissages qu'elle avait faits alors,
sur la manière de se repérer dans la nature avec une grande économie de moyens.
Elle ne parvint pas à reconstituer ses souvenirs précisément mais sentait
qu'ils pourraient l'aider à résoudre le mystère présent.
— S'il s'agit d'une carte, les repères sont inexistants,
dit Sara en examinant le sol. Elle montra leurs trois pierres. Nous savons que
nous sommes là, mais où par rapport aux autres ?
— Nous devons trouver Ardred, dit Tess. Cela nous aidera à
nous orienter et nous aurons peut-être même une échelle.
Cilla la regarda bizarrement.
— Tu évoques des choses que je ne connais pas, ma sœur.
— Et dont je me souviens à peine moi-même, dit Tess. Je
suis furieuse de voir que mon propre passé doive peser ainsi sur notre destin,
quand il se trouve derrière un voile obscur et m'est pratiquement inconnu.
— Pas entièrement, cependant, dit Sara. Tu as parlé de...
d'orientation et d'échelle. Que veux-tu dire ?
Tess ferma les yeux un instant, espérant que ce passé lui
reviendrait clairement à la mémoire. En vain. Le brouillard demeurait impénétrable.
Et pourtant, elle avait prononcé ces deux mots et connaissait leur sens.
— Une carte doit nous donner direction et distance,
répondit-elle. Si nous connaissons l'orientation de la carte, nous saurons dans
quelle direction nous diriger. Et grâce à l'échelle, il est possible de
déterminer le nombre de jours de voyage jusqu'à destination.
Tess désigna les trois pierres qui les représentaient, puis
un groupe de quatre autres pierres, moins serrées.
— Si nous avons bien une carte sous les yeux, quatre de
nos sœurs vivent les unes près des autres, là. Mais nous ne savons pas dans
quelle direction ni à quelle distance elles peuvent se trouver.
— Tu disais que si nous trouvions Ardred, nous le
saurions, dit Cilla en montrant le béryl et le quartz jaune. Tu crois que ces
deux-là sont avec lui ?
— Le contraire m'étonnerait, dit Tess. Il s'appuie sur le
pouvoir des Ilduins. Il doit donc les garder près de lui, elles sont sa protection.
—
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