L'ultime prophétie

vrai.
J'avais espéré que cela ne se produirait pas sous mon règne mais mon devin
m'avait averti que la prophétie se réaliserait bientôt. Qui sont les gens qui
t'accompagnent ?
    —   Erkiah, un prophète de Bozandar.
    Erkiah avança d'un pas et s'inclina.
    —   Majesté.
    —   Et ces jeunes gens ?
    Alezzi faillit sourire.
    —   Pas si jeunes que cela, mon cousin. Dame Sara est elle
aussi une Ilduin. Son compagnon est son époux, Tom Downey.
    —   Et pourquoi ce masque ?
    Tom répondit.
    —   Je fus soigné par le feu des Ilduin, empereur Maluzza.
Le prix à payer pour ma guérison fut ma vue. La lumière m'est insupportable.
    —   Soigné par le feu des Ilduins ? J'en ai entendu parler
mais uniquement comme un pouvoir des temps mythiques des Premiers Nés.
    —   En ce qui me concerne, cela m'a permis de m'ouvrir à ma
seconde vue.
    —   Oui-da, intervint Erkiah en s'appuyant sur sa canne. Ce
jeune garçon est un prophète de la nouvelle ère qui s ouvre devant nous. Il est
le Fils Orphelin de la prophétie.
    De nouveaux cris de surprise et des murmures succédèrent à
ces paroles. Tom regarda autour de lui et vit que d'autres personnes les avaient
rejoints.
    —   Tu es donc ici pour me livrer tes prophéties ? demanda
l'empereur.
    Tom s'avança vaillamment.
    —   Majesté, nul prophète n'est nécessaire pour vous dire
que l'Ennemi, connu sous le nom de Seigneur du Chaos et d'Ardred, fils cadet du
Roi Premier Né, menace tout ce à quoi vous tenez. Tout ce à quoi nous tenons
tous. Il a provoqué ce terrible hiver dans le nord pour nous affaiblir. Je puis
vous dire avec certitude que le printemps ne reviendra pas avant que l'Ennemi
soit vaincu !
    Sa voix résonna fortement dans la salle. Puis il commença à
se balancer doucement et sa voix devint monocorde tout en demeurant cadencée.
Il plongeait dans sa vision.
    —   Si nous n'agissons pas bientôt, je vois un monde dévasté
où y compris les plus puissants et les plus riches seront forcés de fouiller
les roches nues en quête de plantes rachitiques pour s'en nourrir, où les
enfants ne pourront pas grandir car leurs mères manqueront cruellement de lait.
    Il leva un bras et se balança davantage encore, cherchant à
englober toute la pièce dans son geste.
    —   Tout ceci disparaîtra comme les Premiers Nés
disparurent, tout sera oublié sauf dans les histoires que les pauvres se raconteront
autour de feux misérables. Tout ce que vous chérissez vous sera arraché et vous
ne survivrez vous-mêmes que si vous acceptez de servir le Seigneur du Chaos.
Vous devez vous battre à nos côtés !
    —   Et Annuvil ? s'enquit Izza, le conseiller de l'empereur.
Je suppose qu'il veut avant tout devenir roi.
    Tom se raidit et se tourna lentement vers le conseiller.
    —   Il ne souhaite régner sur rien. Il ne veut que racheter
les erreurs du passé. Pouvez-vous en dire autant ?
    —   Un esprit sous contrôle ! murmura Sara.
    Elle fut soudain enveloppée d'une flamme bleue crépitante.
    —   Où ? demanda Alezzi en portant la main à son épée.
    Sara montra Izza du doigt : une boule de feu bleu jaillit de
son doigt et alla frapper le conseiller entre les yeux.
    Izza écarquilla les yeux et tomba à genoux. Les soldats qui
les avaient suivis sortirent aussitôt leurs armes et menacèrent Sara et Tom.
    —   Arrêtez ! leur cria Alezzi. Arrêtez si vous tenez à la
vie !
    Les soldats hésitèrent. Sara se tourna vers eux, toujours
auréolée d'une lumière bleue.
    —   Déposez vos armes, dit-elle avec douceur. Cet homme
était sous l'influence d'un grand ordonnateur. Je ne vous veux pas de mal. Et
il n'est plus sous contrôle à présent.
    En effet, Izza se relevait péniblement.
    —   Je... où suis-je ? Il secoua la tête. Oh, non !
J'étais... j'étais...
    —   Cela n'a aucune importance, dit l'empereur. Tu n'y étais
pour rien, apparemment. Va te reposer, mon vieil ami. Mais emmène une escorte
pour te protéger.
    Deux soldats se détachèrent du groupe et aidèrent Izza,
encore tremblant, à quitter la pièce.
    Maluzza se leva et descendit de son trône. Les soldats se
hâtèrent de venir assurer sa protection mais il les écarta. Il regarda Sara,
qui retrouvait peu à peu son état normal, puis Tom, comme s'il essayait de voir
derrière son masque, et enfin Alezzi.
    —   Mon cousin, ton avertissement me glace le sang. Mais comment
puis-je être certain que cette Ilduin a bien libéré Izza d'une