L'ultime prophétie
frères
d'armes. Il ne leur enviait pas ce dilemme. En toute honnêteté, il n'était pas
sûr de pouvoir tenir tête ainsi à une armée anari si le cas se présentait.
Mais Tess et Cilla se dressaient entre les deux camps et il
savait qu'elles feraient tout pour éviter un affrontement. Il espérait que leur
intervention, si elle s'avérait nécessaire, serait suffisante.
Le parcours dans des couloirs apparemment interminables
finit par faire perdre à Tom tout sens de l'orientation. Le palais ressemblait
à un dédale, se dit-il, et il en fut aussitôt convaincu. Chaque tournant,
chaque embranchement avait pour but d'éloigner les envahisseurs.
Il espérait que leur guide les menait bien à l'empereur. Il
espérait aussi qu'Alezzi saurait s'orienter dans ce labyrinthe. Il espérait
enfin, en voyant l'augmentation régulière de leur escorte, que Sara serait
capable de tenir les gardes en respect si besoin était — car il subodorait que,
malgré son expérience, Alezzi ne pourrait pas seul les tirer d'affaire.
— Nous ne sommes plus très loin, murmura ce dernier, répondant
ainsi à l'une des interrogations muettes de Tom. Nous approchons de la salle
d'audience impériale.
— Est-ce une bonne chose ?
— D'ordinaire, mon cousin me reçoit dans ses appartements
privés. Il a sans doute choisi la salle d'audience parce que je suis accompagné
d'étrangers.
— Ou parce qu'il n'a pas confiance en toi ou en nous.
Alezzi sourit tristement.
— Je suis tout à fait conscient de cette possibilité,
prophète. Tout à fait conscient.
Quelques instants plus tard, ils pénétraient dans la salle
d'audience, assez grande pour accueillir des centaines de personnes. Tom avait
pensé y voir des conseillers et de nobles courtisans de toutes parts. Mais ils
étaient seuls avec leur escorte. Un regard en arrière lui indiqua qu'une bonne
trentaine de gardes les encerclait à présent.
Au centre d'un mur de la pièce, entre deux portes, se
dressait un trône doré, sur une estrade. Il était incrusté de pierres précieuses
qui étincelaient de mille couleurs. A côté du trône, un autre, plus petit et plus
sobrement décoré. Tom se demanda à qui il appartenait. L'épouse de l'empereur ?
Son héritier ?
Ils attendirent quelques instants puis le son d'un cor se
fit entendre près de l'une des portes derrière le trône.
— Inclinez-vous, dit Alezzi.
Ils s'exécutèrent tous quatre. Un bruissement d'étoffe puis
de nombreux bruits de pas. Et enfin, une voix étonnamment agréable déclara :
— Levez-vous.
Ils se redressèrent et firent face à l'empereur de Bozandar.
Assis sur son trône, il était vêtu d'étoffes tissées d'or et portait une couronne
du même métal.
Il ressemblait beaucoup à Alezzi et à Tuzza : ses traits
étaient tout aussi fins et ses yeux de même couleur — et son visage également
marqué par l'inquiétude.
Tout autour d'eux étaient apparus des hommes et des femmes vêtus
avec élégance, une dizaine peut-être. Des courtisans ou des conseillers, sans
doute. Tom aurait voulu en savoir davantage sur ces affaires-là, puis il
comprit que son ignorance lui permettrait une parfaite franchise.
Il s'efforça de se tenir aussi droit que possible, se
sentant subitement très jeune face à tout ce pouvoir et à cette noblesse. Sara
lui effleura le bras et il sut qu'elle ressentait la même chose. Comme lui,
elle n'était qu'une jeune villageoise qui se retrouvait au centre d'événements
plus importants qu'ils auraient jamais pu l'imaginer.
Oui, la fille d'un aubergiste et le fils d'un gardien
pouvaient rêver d'aventure ; jamais ils n'auraient pensé se trouver un jour
dans ce palais, face au souverain de Bozandar, et lui dicter sa conduite.
Tom décida d'arrêter de penser à de telles choses avant que
ses genoux ne se missent à trembler.
— Alezzi, dit enfin l'empereur.
— Votre Majesté mon cousin, dit Alezzi en s'inclinant
derechef. Il se releva, le visage grave. J'aurais aimé vous apporter de
meilleures nouvelles, Maluzza.
— Je l'aurais souhaité moi aussi, mon cousin, répondit
l'empereur en se penchant légèrement en avant. Tu ne me trahirais jamais.
— Plutôt mourir.
— Alors, explique-moi pourquoi tu apparais devant moi sans
mon cousin Tuzza, que je t'avais envoyé secourir. Je voulais que tu me le
ramènes, afin que je puisse lui rendre les honneurs qu'il mérite. Je t'ai
demandé de ramener les fils de mes
Weitere Kostenlose Bücher