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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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assez pleuré, dit-elle à haute voix. Finis ton deuil et occupe-toi de tes enfants.
    Elle changea les deux bébés et les mit dans leurs berceaux, puis elle s'installa près d'une lampe à huile et sortit son panier à couture. Après avoir enfilé un morceau de fil dans une aiguille elle essaya de travailler à des bottes en peau de phoque qu'elle avait commencées pour Kayugh, mais le fil n'arrêtait pas de se casser et finalement elle posa l'ouvrage et croisa les mains sur ses genoux.
    Ses craintes concernant Oiseau Gris et la méchanceté qu'elle lisait dans ses petits yeux noirs n'étaient qu'une partie de ses inquiétudes. Elle savait que Kayugh n'allait pas tarder à revenir et ses doigts tripotaient le collier qu'il lui avait offert. D'une part elle ne pouvait s'empê-cher de penser à lui tel qu'il était, sans son parka, ses muscles brillant à la lueur des lampes, et elle riait aux plaisanteries de Nez Crochu sur les rapports entre mari et femme, mais elle n'oubliait pas sa nuit avec Homme-Qui-Tue.
    Puis elle entendit des pas sur le toit de l'ulaq, vivement elle enveloppa sa couture et l'enferma dans son panier.
    « Du moins, il amène Baie Rouge avec lui », chuchota la loutre de mer, et Chagak hocha la tête en pensant avec soulagement que l'enfant leur offrirait un sujet de conversation, quelque chose qui les empêcherait de parler de devenir mari et femme.
    Mais quand Kayugh descendit dans l'ulaq, il était seul.
    — Nez Crochu a bien voulu prendre Baie Rouge pour la nuit, dit-il en souriant, et Chagak essaya de sourire elle aussi.
    — Tes fils dorment.
    Amgigh était fort maintenant. Il mangeait bien et se retournait vers ses seins, même dans son sommeil, le lait coulant au coin de sa bouche. Chagak se sentait fière de sa force. Elle n'avait pas été capable de sauver Pup, mais peut-être que dans son chagrin, dans sa lutte contre Homme-Qui-Tue, elle avait puisé de nouvelles ressources lui permettant d'aider les autres et de sauver un bébé trop faible pour survivre.
    — Amgigh est là, au-dessus de ma couche, dit-elle.
    Mais Kayugh se contenta de hocher la tête et ne chercha pas à voir son fils. Il retira son parka et se tint devant Chagak seulement vêtu de son tablier.
    Éprouvant le besoin de se sentir habillée, Chagak avait gardé son suk, mais ses mains vides la rendaient maladroite et elle regretta d'avoir rangé sa couture.
    — As-tu faim? Désires-tu manger? demanda-t-elle.
    Kayugh secoua la tête et prononça les premiers mots de la cérémonie de mariage :
    — Quelqu'un a dit que tu serais ma femme...
    — Oui, répondit Chagak avec précaution, en suivant les instructions que Nez Crochu lui avait données pour répondre par les quelques mots précédant le mariage utilisés dans le village de Kayugh.
    Celui-ci prit place à côté d'elle.
    — Quelqu'un a dit que ton mari, le père de Samig, était mort.
    Chagak regarda avec anxiété en direction de sa couche. Pourquoi avait-elle si bien nourri les bébés? Ils auraient pu être éveillés maintenant, et crier pour faire diversion et lui donner du temps pour se faire à l'idée de devenir une épouse.
    — Chagak ?
    Se rappelant qu'elle devait répondre, elle dit :
    — Oui. Il est mort.
    Et pendant un moment son esprit se tourna, non pas sur Homme-Qui-Tue ni même sur Kayugh, mais sur Traqueur de Phoques, le seul à avoir été son mari, et elle sentit une grande tristesse l'envahir. Puis en levant les yeux elle vit Kayugh qui la regardait interrogativement.
    — Veux-tu appartenir à quelqu'un d'autre? ajouta-t-il doucement, sans colère. A un Chasseur de Baleines, à Longues Dents ou à Oiseau Gris?
    — Non, dit Chagak en baissant les yeux pour cacher son embarras.
    — Je garderai cet ulaq plein de nourriture. Je rapporterai de l'huile de phoque et j'apprendrai à nos fils à chasser.
    Chagak sentit des larmes lui monter aux yeux
    et ne put lui répondre. Elle se couvrit le visage de ses mains. Qu'allait-il penser maintenant qu'il avait vu la folie de ses larmes ?
    — Tu ne veux pas de moi, constata Kayugh d'une voix sans timbre.
    Chagak s'essuya les yeux et resta assise sans parler pendant un moment avant de se décider à avouer :
    — J'ai peur.
    Le visage de Kayugh retrouva sa douceur et il sourit.
    — Tu as déjà eu un mari, Chagak, de quoi as-tu peur?
    — Je suis folle, dit-elle en essayant de sourire.
    Alors, il vint s'asseoir à côté d'elle comme un
    homme s'assied dans son ikyak, les

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