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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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un morceau de bois sec et se mit à dégager un passage pour aller jusqu'à la mare.
    — Vite, chuchota Chagak.
    Il fut surpris de l'urgence de sa voix, mais il entendit les canards et, en levant les yeux, il vit
    qu'ils tournaient en cercle au-dessus de la plage. Il atteignit l'eau et saisit le bola sans se soucier de mouiller la manche de son parka.
    Il lui tendit l'arme et se cacha derrière un rocher à une faible distance de la mare pour attendre. Chagak s'éloigna lentement du bord de la mare, s'agenouilla et se tint immobile.
    — Merci, murmura-t-elle, sans savoir si sa prière s'adressait à Aka ou aux esprits de son peuple.
    Elle n'était pas surprise de voir revenir les canards, mais leur présence était un cadeau, un signe qu'elle devait continuer à vivre.
    Les canards se groupèrent, leurs ailes battant l'eau dont les éclaboussures l'atteignirent. Elle attendit tandis qu'ils lissaient leurs plumes en émettant de petits cris, se battant pour mieux s'installer dans l'eau.
    La corde en tige d'ortie blessait les ampoules sur la main de Chagak, mais la douleur lui parut bonne. Plutôt que de ne rien ressentir comme cela avait été le cas pendant tant de jours, quand elle s'était renfermée sur elle-même, c'était la seule façon de calmer la douleur morale qu'elle endurait.
    Le soleil était chaud à travers les nuages, et ses rayons tombaient sur la tête de Chagak. Elle repoussa ses cheveux sombres sur ses épaules, se concentrant sur la corde qu'elle tenait à la main, et rampa vers la mare.
    Que lui avait dit Shuganan la veille? Elle devait se tenir assez près pour que le bola frappe le centre du groupe, mais cependant assez loin pour ne pas effrayer les canards avant qu'elle ne soit prête à tirer.
    Les galets de la plage écorchaient ses genoux, mais elle ne les sentait pas. Ses yeux fixaient le milieu de la mare, à l'endroit où le bola devait frapper pour être efficace. Puis soudain, en un seul mouvement, elle se lança en avant, criant et faisant tourner le bola dans sa main.
    Les canards s'élevèrent au-dessus de la mare et Chagak tira.
    Le bola quitta sa main. Un canard tomba, puis un autre. Leurs corps s'enfoncèrent dans l'eau. Déjà Shuganan pataugeait dans la mare pour les retirer, mais Chagak regarda l'envol des canards dans le ciel et leur disparition derrière les falaises.
    Ils représentaient les esprits de son peuple, elle n'en doutait pas. Elle en avait touché deux. Deux esprits resteraient avec elle.
    Shuganan souleva les deux canards.
    — Deux mâles ! cria-t-il.
    — Deux fils, murmura Chagak, j'ai gagné deux fils!
    Elle dépouilla chaque eider avec soin, retirant d'abord les plumes, ne laissant que le duvet, puis elle arracha la peau d'une seule pièce. Ce soir-là elle fit cuire les canards en les enveloppant dans du varech et en les faisant griller sur des braises.
    Shuganan lui fit de grands compliments pour le repas, mais Chagak pensait à la peau qu'elle devrait tanner. Les mâles n'avaient pas le goût délicat des canes, mais leurs peaux étaient plus épaisses et seraient ainsi plus faciles à tanner.
    Après avoir enlevé la première peau, elle l'avait tendue et, en voyant sa taille et sa forme, elle s'était souvenue de son petit frère et une peine douloureuse l'avait étreinte, mais tout aussi clairement elle voyait dans son esprit d'autres bébés qui, un jour, seraient les siens, aussi décida-t-elle de garder les peaux.
    Elle les frotterait jusqu'à ce qu'elles se soient assouplies, en utilisant un mélange de cervelle et
    d'eau de mer, puis elle gratterait chacune d'elles avec une pierre ponce.
    — La viande est bonne, répéta Shuganan. Il y a longtemps que je n'en avais mangé d'aussi tendre.
    Chagak baissa la tête en acceptant le compliment.
    — As-tu gardé les plumes ? lui demanda-t-il.
    Chagak se retourna vers la pile de ses affaires
    qu'elle avait entassées dans un des paniers de sa mère, un des rares objets qu'elle avait emmenés avec elle et que l'orage ne lui avait pas repris. Elle montra la poignée de plumes qu'elle avait conservée.
    — Puis-je en avoir une ? demanda-t-il.
    Bien qu'elle fût surprise par cette requête, elle lui tendit une longue plume noire.
    — Je vais m'en servir comme modèle pour une de mes sculptures, expliqua-t-il en la glissant sur le haut de sa tête comme une sorte d'amulette. Je suis sûr que les canards étaient un cadeau pour toi. Peut-être étaient-ils envoyés par ton peuple. Peut-être par

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