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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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le feu prenait, Shuganan entendit Homme-Qui-Tue siffler. En se retournant il vit que celui-ci regardait les centaines de statuettes garnissant les murs. Il se retourna et saisit le vieil homme par les cheveux, révélant son oreille gauche dont le lobe était arraché.
    Homme-Qui-Tue se laissa tomber sur les genoux et rampa vers une lampe à huile. Il la saisit à deux mains.
    — Il y a de l'huile dans celle-là, allume-la.
    — Je n'ai pas assez d'huile pour me permettre de la gaspiller. Nous avons le feu.
    — Allume cette lampe !
    Shuganan prit le morceau de roseau tressé dont Chagak se servait pour allumer les lampes et l'enflamma sur la braise.
    Homme-Qui-Tue lui prit la lampe et fit le tour de l'ulaq pour examiner les sculptures. A deux reprises il tendit la main comme pour les toucher, mais il la retira promptement.
    — Sont-elles chaudes ? lui demanda Shuganan, se sentant tout à coup envahi par une nouvelle jeunesse, car il connaissait le pouvoir de ces statuettes.
    — Tu es Shuganan, dit Homme-Qui-Tue, la voix remplie de révérence. Les vieux, les conteurs d'histoires disaient que tu étais mort.
    — Alors peut-être es-tu mort également et sommes-nous tous les deux dans le royaume des esprits.
    — Tais-toi, vieil homme. Crois-tu être plus fort que moi? Combien d'animaux as-tu tués au cours de l'année passée? Combien as-tu eu de femmes? Tu es vieux. Tes pouvoirs s'affaiblissent.
    — Tes conteurs d'histoires t'ont-ils dit cela? demanda Shuganan. Prétendent-ils que mes pouvoirs diminuent avec l'âge comme ceux des chasseurs ? Ils auraient dû t'apprendre qu'ils augmentaient avec l'âge comme ceux d'un shaman.
    Mais Shuganan se rendit compte que l'homme ne l'écoutait pas, il marmonnait entre ses dents : « Je deviendrai un chef si je ramène ce vieil homme avec moi. »
    Homme-Qui-Tue tendit la main vers une figurine d'ivoire représentant un homme dans son ikyak, deux phoques attachés à la proue. Pendant un moment ses doigts se tinrent au-dessus de la sculpture, puis il la saisit. Les yeux écarquillés, il regarda Shuganan.
    Rien ne s'étant produit, il sourit, sortit un couteau d'un étui fixé à son poignet gauche et tourna la lame en direction de Shuganan.
    — Je vais garder celle-ci comme cadeau, lança-t-il. Elle est à moi.
    — Tu peux la garder, répondit Shuganan, mais elle ne sera pas à toi. Chaque sculpture a son propre esprit qui n'appartient qu'à elle-même.
    Homme-Qui-Tue approcha le couteau plus près de la gorge de Shuganan.
    — Tu es fou ! gronda-t-il.
    Mais il reposa la statuette sur l'étagère et rangea son couteau. Repoussant ses longs cheveux de son visage, Homme-Qui-Tue reprit :
    — Donne-moi à manger. J'ai faim.
    Shuganan se dirigea vers la réserve. Il
    s'accroupit en posant une main sur le sol afin de garder son équilibre, puis il creusa à l'endroit où il avait enterré des œufs après les avoir enduits de sable et d'huile pour passer le long hiver. Il en sortit plusieurs en surveillant Homme-Qui-Tue. Celui-ci tirait les rideaux voilant les couches.
    Shuganan y avait caché des couteaux qu'il ne voulait pas que l'on trouve. Il sortit vivement les œufs en disant :
    — Voici de quoi manger.
    Homme-Qui-Tue laissa retomber le rideau et
    rejoignit Shuganan. Il prit un œuf, enfonça son majeur dans la coquille et goba le contenu. Shuganan lui en tendit un autre, mais le jeune homme se pencha pour fouiller dans la réserve et en sortit un ventre de phoque. C'était un de ceux que Shuganan avait remplis au cours de l'été de viande de phoque et de flétan sec. L'homme tira plusieurs morceaux de poisson et se mit à manger en disant entre deux bouchées :
    — Donne-moi des œufs.
    Shuganan lui en tendit plusieurs, espérant le garder dans l'ulaq aussi longtemps que possible, donnant ainsi le temps à Chagak de voir le signal. Mais Homme-Qui-Tue jeta le sac contenant la viande séchée et poussa Shuganan vers la sortie.
    Avant de monter, il se frotta l'estomac et sourit, découvrant ses dents :
    — Maintenant nous allons retrouver ta femme.
    Shuganan s'avança pour monter, mais l'autre
    le poussa et passa devant lui.
    — Je ne voudrais pas que tu m'enfonces ta canne dans la gorge, vieil homme, dit-il.
    Ils gagnèrent le toit presque en même temps et Shuganan tourna les yeux vers la colline en se demandant si Chagak avait vu son avertissement, espérant qu'elle avait trouvé un refuge. Mais au même moment il l'aperçut et sentit que son

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