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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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matin elle était partie ramasser des baies. Elle serait bientôt de retour. Qu'arriverait-il si cet homme la voyait?
    — Qu'y a-t-il ? demanda l'homme. Tu surveilles ta femme?
    — Je n'ai pas de femme, répondit Shuganan en évitant le regard de l'autre.
    A nouveau l'homme se mit à rire, d'un gros rire bruyant.
    — Il y a une femme, vieil homme, ne me mens pas. Crois-tu que je serais venu sur ta plage sans savoir qui y vit ? Penses-tu que je sois fou ?
    Shuganan détourna les yeux. Ainsi l'homme les avait surveillés. Il aurait dû être plus prudent. Par la description qu'elle lui en avait faite, il savait qui avait anéanti son peuple et il avait compris pourquoi, sans le révéler à Chagak. Quel bien y aurait-il eu à ce qu'elle le sût ? Et comment aurait-il pu supporter sa réaction si elle l'avait détesté en apprenant la vérité?
    — Je m'appelle Homme-Qui-Tue, déclara le nouveau venu.
    Shuganan ne répondit pas en lui donnant son nom. L'autre haussa les épaules et demanda :
    — Où est ton ulaq? Pourquoi ne me montres-tu aucune hospitalité? J'ai peut-être faim. Mon ikyak a peut-être besoin de réparations.
    Il s'approcha davantage et parla presque dans un murmure, ses lèvres découvrant ses larges dents blanches :
    — Il y a peut-être des mois que je ne suis pas allé avec une femme.
    En cet instant Shuganan aurait souhaité avoir un couteau et aurait aimé trancher la gorge de cet homme, mais il répondit :
    — Mon ulaq est petit. Reste ici. Je vais t'appor-ter de quoi manger.
    — Et en profiter pour prévenir ta femme? Non. Je viens avec toi.
    Il poussa Shuganan vers la colline, mais le vieil homme marcha lentement, boitant plus qu'il n'était nécessaire. A chaque pas il redoutait de voir Chagak et craignait encore plus qu'Homme-Qui-Tue ne la vît. En arrivant près de l'ulaq, il leva sa canne en disant :
    — C'est là.
    Du seigle avait poussé sur les côtés du toit et s'était déjà décoloré avec la fin de l'été. Chagak devait le couper bientôt afin de le tresser pendant l'hiver. Elle lui avait promis de lui faire des chaussettes et des chemises et même des moufles avec un doigt pour couvrir ses pouces.
    — Reste là, ordonna Homme-Qui-Tue. Si tu te sauves je te rattraperai et tu n'auras plus l'occasion de te sauver. Puis, regardant par le trou du toit, il déclara : si ta femme est à l'intérieur, je vais la saluer.
    Shuganan attendit que l'homme soit entré dans l'ulaq, puis il regarda les collines, en quête de Chagak. Il planta sa canne sur un côté de l'ulaq en l'enfonçant profondément. C'était un signal chez le peuple de sa femme, un avertissement de ne pas s'approcher. Le peuple de Chagak utilisait-il ce même signal?
    Le vent était froid contre les jambes nues du vieil homme et il s'accroupit jusqu'à ce que les bords de son parka touchent le sol. Il rentra ses mains dans ses manches et releva le capuchon, mais il avait toujours froid.
    Il entendit Homme-Qui-Tue l'appeler à l'intérieur de l'ulaq.
    — Viens, vieil homme. J'ai décidé d'accepter ton offre de nourriture.
    Shuganan s'essuya les mains sur les plumes de son parka. « Comment des mains aussi froides pouvaient-elles transpirer? » se demanda-t-il. Puis il pensa que s'il donnait à manger à cet homme il resterait un peu plus longtemps à l'intérieur et que peut-être Chagak verrait son avertissement.
    Il se glissa à l'intérieur de l'ulaq, son pied chercha la première entaille du tronc d'arbre. La lampe à huile s'était éteinte et la pièce était sombre. Shuganan laissa le rabat de l'ouverture soulevé pour laisser entrer de la lumière.
    — Allume les lampes, vieil homme, ordonna Homme-Qui-Tue. Un travail de femme ne te fera aucun mal.
    — Il n'y a pas d'huile, dit Shuganan en désignant un tas de charbon sur lequel Chagak avait fait bouillir de l'eau pour assouplir des roseaux avant de les tisser.
    Homme-Qui-Tue fit une grimace.
    — Je suis trop vieux pour chasser des phoques, expliqua Shuganan.
    — Paresseux ou réduit à un travail de femme ?
    Shuganan ignora le sarcasme mais pensa : « J'ai tué trois phoques au printemps dernier et j'ai assez d'huile pour conserver des œufs et allumer les lampes, mais pourquoi la dépenserais-je pour toi ? »
    Il s'installa près du feu et le raviva. Avec soin il enflamma quelques brindilles d'herbe sèche et souffla doucement sur la flamme pour lui donner vie, puis il ajouta du bois que Chagak avait ramené de la plage.
    Tandis que

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